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C’est la crise, allons chercher de l’argent chez les plus riches – Épisode 2

Sommaire

Bonjour à tous,

    Rappelez-vous l’article que j’avais mis en ligne précédemment, puis actualisé en 26 juin 2014. Il s’agissait de vous mettre en garde contre une pratique manifestement illégale de l’Administration, consistant à refuser l’application du taux réduit de TVA aux auteurs établissant des notes d’auteur dès qu’il s’agit d’un travail de commande.

   Le mouvement tendant à se généraliser, j’avais insisté sur l’utilité de consulter à ce sujet un spécialiste, en rappelant que le taux pour ce type de cessions de droits était bien le taux réduit (qui reste fixé, pour 2015, à 10%).

   J’ai dès lors orienté les différents photographes qui m’ont contactée vers l’un de mes confrères, spécialiste du droit fiscal (et lui-même ancien inspecteur-vérificateur des impôts), particulièrement rompu aux procédures de ce type. Chacun son métier en effet, et je ne maitrise pas suffisamment cette matière pour offrir une assistance de qualité. Une présentation plus complète de Me Pierrick BABIN est insérée dans la page contenant une petite biographie des différents intervenants de ce blog.

   Celui-ci, à qui je laisse la parole dans un instant, vient de m’informer qu’un premier arrêt favorable a été rendu par une Cour Administrative d’appel au profit d’un photographe qui avait été victime de ces redressements abusifs et que j’avais orienté vers lui.

TVA10pourcents

   Je laisse donc la parole à Me Pierrick BABIN, que je remercie de contribuer ainsi à l’information de tous :

*   *   *   *    *

COMMENTAIRE FISCAL

par Me Pierrick BABIN

Veritas facit legem. Si la vérité fait loi, encore faut-il pouvoir la prouver !

Voilà qui résume assez bien la situation ubuesque dans laquelle se trouvent aujourd’hui bon nombre de photographes contrôlés, vérifiés et redressés à tort par l’administration fiscale.

Les photographes appliquent le taux réduit de TVA à la vente de leurs photographies et ils en ont le droit.

Le prouver ne relève cependant pas de leurs compétences, a fortiori face à une administration fiscale aussi confuse qu’obstinée à persister dans l’erreur. Cette dernière procède en effet ces temps-ci à de nombreux contrôles fiscaux aboutissant à des redressements lourds de conséquences financières.

Elle conteste, pour ce faire, l’application du taux réduit de TVA à la vente de photographies.

Le photographe, qui ne supporte pas la charge de cet impôt, pourrait alors être tenté, comme certains studios de grande taille, par la facilité d’appliquer le taux normal de TVA.

Cela ne pourrait alors se produire qu’en contrepartie de l’acceptation d’un désavantage concurrentiel particulièrement important. Le coût de la TVA appliquée au taux normal ne pourrait en effet que se répercuter sur le prix de vente final. Et il n’est pas sûr que les clients se réjouissent de payer indûment plus d’impôt, même chez un grand photographe !

C’est pourquoi la consultation d’un spécialiste de la fiscalité – qui plus est, de ce contentieux particulier – ne peut qu’être bénéfique tant pour le photographe que pour ses clients.

Si le photographe s’attache, comme le faisait Robert DOISNEAU, à « arrêter le temps qui fuit », le fiscaliste s’évertue à réparer des fuites d’une toute autre nature… Et, au vu des montants redressés par l’administration fiscale, il convient plutôt de parler de dégât des eaux.

Cependant, la position de l’administration fiscale ne saurait résister – comme cela a déjà plusieurs fois été démontré – à une argumentation rationnelle, solide et construite. Les vérificateurs des impôts se fondent, en effet, sur une analyse confuse et erronée de la législation applicable (I). C’est pourquoi il m’importe de vous rappeler les raisons pour lesquelles vous êtes dans votre droit (II).

I/ DES REDRESSEMENTS FISCAUX INFONDÉS ET ABUSIFS

Les redressements pratiqués par l’administration fiscale résultent d’une analyse confuse et approximative de la législation applicable la conduisant à occulter de nombreux éléments de droit.

Autrement dit, entre l’administration fiscale et le fiscaliste, la focale diffère : lorsque la première use d’une optique de 20 mm, le second se sert d’un 400 mm. Cette différence lui permet de distinguer des critères échappant aux vérificateurs des impôts.

Ce manque de rigueur de l’administration fiscale s’est hélas accompagné d’un manque de nuances. Les photographes ayant fait les frais d’un redressement ont pu remarquer que le débat se focalisait sur la notion d’œuvre d’art.

Or, nul besoin d’être à l’origine d’une « œuvre d’art » pour appliquer le taux réduit de TVA. Il suffit, comme cela sera expliqué ensuite, d’avoir produit « une création intellectuelle ».

L’administration fiscale ne semble toutefois pas discerner de nuances entre les photographes dont le rayonnement et la notoriété ne connaissent pas de frontières et ceux se contentant de fixer mécaniquement une image.

Or, cette catégorie existe, elle travaille honnêtement et applique légitimement le taux réduit de TVA à la vente de ses photographies et c’est à elle que s’adresse cet article.

Les inexactitudes juridiques de l’administration fiscale ont, pour les raisons présentées, maintes fois été condamnées par la justice, seule autorité habilitée à interpréter la loi. Un arrêt d’une Cour administrative d’appel vient d’ailleurs d’être rendu, confirmant la démonstration qui va suivre.

II/ UNE APPLICATION DU TAUX RÉDUIT LÉGALE ET LÉGITIME

La grande majorité des photographes est susceptible d’appliquer légalement le taux réduit de TVA à la vente de ses photographies dès lors qu’elle s’accompagne d’une cession de droits.

La qualité de photographe n’est d’ailleurs pas l’élément déterminant de l’application du taux réduit. Le statut du photographe n’a en effet aucune influence sur la possibilité ou non d’appliquer le taux réduit de TVA.

Le seul critère réside dans la photographie elle-même.

La totalité des photographes est donc à même d’appliquer le taux réduit de TVA.

Peu importe alors le statut, la notoriété ou le mérite du photographe. À titre d’exemple, les photographes-auteurs sont autant susceptibles d’appliquer le taux réduit de TVA que les photojournalistes ou les portraitistes (mais cette énumération n’est bien sûr pas limitative).

Il n’est en effet pas nécessaire d’être « l’œil du siècle » (référence à Henri CARTIER-BRESSON) pour être l’auteur d’une « création intellectuelle », seule condition nécessaire pour appliquer le taux réduit de TVA.

Pour être considérée comme une « création intellectuelle », la photographie doit être originale et personnelle. Elle ne doit pas être « l’image de quelque chose » mais se doit d’être « quelque chose en soi » (Ralph GIBSON).

L’originalité de la photographie implique un effort de création de la part de son auteur. Pour reprendre les termes d’Ansel ADAMS, le photographe ne doit pas « prendre » la photographie, il doit la « créer ».

Le caractère personnel de la photographie impose une expression de la personnalité du photographe  à travers la réalisation de choix artistiques.

Il apparaît donc clairement au regard de ces termes qu’une quantité relativement large de photographies est susceptible de se voir appliquer le taux réduit de TVA car, comme le disait Richard AVEDON, « dès lors qu’une émotion ou qu’un fait est traduit en photo, il cesse d’être un fait pour devenir une opinion ».

Ces critères n’excluent en effet qu’une petite partie de photographies.

Ainsi, ne pourront prétendre à l’application du taux réduit de TVA les photos d’identité, les photos de groupe telles que les photos scolaires ou les photos de paparazzi.

En revanche, ne doivent pas être pris en considération le mérite, le sujet, le genre, ni la destination de la photographie pour déterminer l’applicabilité du taux réduit de TVA.

Peu importe donc la valeur artistique que l’administration fiscale accorde à l’œuvre photographique, le sujet photographié, le type de photographie réalisé (portrait, paysage, mode, nature morte, etc) et l’utilisation qui en sera faite (commandes de particuliers, publicité, catalogue, etc).

Sur ce dernier point, il est intéressant de relever qu’une Cour administrative d’appel vient de rappeler explicitement que la finalité publicitaire d’une photographie ne l’empêchait en aucun cas de bénéficier du taux réduit de TVA.

Dans une grande majorité des cas, c’est donc à juste titre que les photographes appliquent le taux réduit de TVA à la cession de leurs photographies.

Si ces redressements sont particulièrement chronophages et gênants pour le contribuable, on ne peut pour autant blâmer l’administration fiscale. Les articles de loi applicables en la matière sont légion et il est parfois difficile de les distinguer.

Si, fort heureusement, les juges ne s’autorisent pas le genre de confusion présentée au début de l’article, de nombreux praticiens du droit ne contestent pas le raisonnement erroné de l’administration fiscale et ne défendent donc pas de manière optimale leurs clients.

C’est la raison pour laquelle les photographes faisant l’objet d’un redressement ont tout intérêt à consulter un spécialiste non seulement de la fiscalité mais également de ce contentieux particulier.

Dans l’espoir que cet article ait pu, tel un diaphragme, faire entrer la lumière dans la gestion fiscale de votre activité photographique…

 © Me Pierrick BABIN pour Droit & Photographie

*   *   *   *    *

Merci à lui pour cette intéressante et complète analyse…  et pour la qualité de la rédaction.

Et une fois encore, j’insiste sur l’impérieuse nécessité de ne pas traîner : les procédures fiscales sont complexes et contraignantes, et des délais sont prévus, qu’il ne faut surtout pas dépasser sous peine de vous priver de toute possibilité de contester valablement alors que, comme vous le voyez, des contestations sont possibles...

Merci à mon confrère, Me Pierrick BABIN pour son aide sur ce sujet délicat.

Et ne vous laissez donc pas faire…

D’autres analyses approfondies et régulières sur le site Jurimage, dont le succès conditionnera aussi la survie économique de ce blog-ci.

Jurimage-copylogo

                       Joëlle Verbrugge

 

15 commentaires sur cet article

    1. Détrompez-vous…. les mercis font du bien aussi, quand d’autres passent plus de temps à critiquer qu’à s’apercevoir que le travail accompli est énorme 😉

  1. Un grand merci Joëlle et Me Babin pour tout ce travail. Cet article est à la fois rassurant (nous sommes dans notre droit) et flippant car en cas de contrôle ca sera galère…

  2. A la fois rassurant et inquiétant effectivement, mais en tout cas un grand merci pour votre bataille, votre soutien et vos conseils précieux.

  3. Bonjour Joëlle,

    Un grand merci pour tout votre travail d’information que vous nous faites partager. C’est tellement utile et appréciable, et une chance pour nous!
    Je vous souhaite une très belle journée.
    Cordialement.

    Zoran

  4. Merci pour cet excellent article qui se lit tout seul et apporte tant.
    Merci pour tout ce travail et cette implication sans faille dans un domaine tellement ardu pour beaucoup.

  5. Bonjour,
    votre blog et ses intervenants sont un bien précieux pour tous.
    Clarté, précision, exhaustivité des articles font plus que les rendre utiles ; ils nous enrichissent intellectuellement.

  6. Bonjour

    Est il hasardeux de dire que TVA à taux réduit et Œuvre originale protégeable par le CPI vont de paire ?
    Les deux étant la conséquence de la l’existence d’une création de l’esprit.
    Peut on porter au débat l’acceptation par l’administration fiscale d’un taux réduit pour appuyer la reconnaissance d’une création de l’esprit ?

    Merci Joëlle 🙂

    🙂

  7. bonjour, en lisant cet article, je suis prise d’un doute … j’ai lu sur votre book 2 “vendre ses photos” que la TVA à taux réduit pour les auteurs est de 5,5 % . Là on parle de 10 %. Est ce que j’ai loupé quelque chose ? je suis bien embêtée car je commence mon activité professionnelle et donc à facturer …

    1. Bonjour,
      Ca évolue, la tva :
      https://blog.droit-et-photographie.com/la-tva-en-2015/

      Les modèles de notes d’auteur et de factures sont à jour sur la page “Téléchargements”..
      N’oubliez pas de vous abonner au blog (newsletter ou flux RSS) pour ne pas rater les modifications légales…
      La version 2 de “Vendre ses photos” a quelques guerres de retard… la TVA est entre temps montée à 7%, puis à 10, puis redescendue (mais pour les seuls tirages originaux) à 5,5%, en restant à 10 pour les cessions de droits…

      Et dire que je me décarcasse pour suivre tout cela de près… 😉

  8. Bonjour,
    Merci d’avoir partagé cet article qui pour ma part va m’être très utile étant photographe et actuellement en litige avec les impôts sur ce sujet.
    Serait-il juste possible de savoir dans quel tribunal administratif ainsi que la date exacte à laquelle ce jugement a été rendu car il pourrait me servir de jurisprudence. En vous remerciant par avance de votre réponse qui est extrêmement importe pour continuer à me défendre.

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