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Droit à l’image : quelle responsabilité pour l’agence de presse ?

Bonjour à tous

L’article d’aujourd’hui sera consacré à une question peu abordée. En effet, en cas de litige relatif au droit à l’image, les plaignants assignent généralement l’éditeur de la publication concernée.

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Dans le cas dont il sera question aujourd’hui, le plaignant a par contre assigné directement l’agence de presse, ce qui a permis au Tribunal de se prononcer sur la responsabilité de cet intermédiaire entre le photographe et l’éditeur, lorsque le premier n’est pas engagé et payé directement par le second.

Les faits

Un célèbre acteur britannique avait été photographié alors qu’il marchait dans la rue, accompagné de ses deux enfants qu’il tenait par la main. La photo s’était ensuite retrouvée sur le site Internet de l’éditeur d’un magazine People, et portait le crédit d’une agence de presse.

L’acteur avait alors saisi l’agence elle-même (en plus, semble-t-il, d’une action concomittante contre le magazine) en invoquant bien sûr la violation de son droit au respect de la vie privée (Art. 9 du Code civil).

Le jugement

. Argumentation des parties :

Le plaignant, à l’appui de ses demandes, ajoutait que son dommage était aggravé “par le sentiment désagréable de voir sa vie familiale exposée de nouveau au mépris de son désir de protection manifesté sur le plan judiciaire à l’encontre de (la même agence de presse) laquelle a été condamnée par jugement du 2/2/2012 à réparer le préjudice causé par la captation et la commercialisation /…/ d’une série de photographies similaires le surprenant dans des moments de sa vie personnelle, dont le cliché en cause”.  En d’autres termes, ce n’était donc pas la première fois que l’agence concernée diffusait de telles photos le concernant, et une première condamnation n’avait pas suffi à lui faire changer ses pratiques.

Il demandait que soit fait interdiction à cette agence de commercialiser la photographie litigieuse, sous peine d’astreinte, ainsi bien sûr que des dommages et intérêts pour l’utilisation déjà avérée.

De son côté, l’agence invoquait :
. que le plaignant ne démontrait pas qu’une commercialisation quelconque de la photo était intervenue depuis que le premier jugement était devenu définitif. En d’autres termes, elle estimait ne pas être responsable de l’utilisation de la photo sur le site du magazine people concerné par la publication précise dont il était question, et affirmait avoir, depuis le premier jugement, “donné injonction à l’ensemble de ses agents de ne plus diffuser les photographies (du plaignant) et de ses enfants qu’ils auraient pu avoir conservées ou acquises et de procéder à la destruction des ektachromes, elle-même les ayant supprimées de sa base d’images”.

. et au surplus, que la photo ne “portait pas atteinte à la vie privée (du plaignant) mais constituait une illustration adéquate et pertinente du sujet traité dans l’article : “People, les papas poules ont la cote”;  Sur le plan du préjudice, elle invoquait en outre que le plaignant lui-même “évoque régulièrement lors d’interviews /…/ sa vie familiale et ses relations avec ses enfants, suscitant ainsi la curiosité du public”, de telle sorte qu’il ne subissait selon elle aucun préjudice.

. enfin, à titre infiniment subsidiaire, elle demandait une réduction des dommages et intérêts sollicités par l’acteur.

. La décision (TGI Nanterre, 6/6/2013, RG 12/07365)

Sur la diffusion commerciale elle-même, le Tribunal va tout d’abord relever que même si la photo litigieuse est présente sur le site d’un tiers (l’éditeur du magazine people concerné), elle porte bien la mention du nom de l’agence assignée par le plaignant. En ce sens, celle-ci ne contestant pas avoir les droits sur ce cliché “en sa qualité d’agence de presse dont l’activité est la vente de photographies, elle est à l’origine de leur commercialisation auprès des différents éditeurs, et partant, elle a participé à sa diffusion et a ainsi engagé sa responsabilité” (Jugement, pages 3 et 4).

La demande du plaignant est donc déclarée recevable et bien fondée.

Sur la question du préjudice, par contre, après avoir rappelé que celui-ci doit être évalué en fonction “du contenu de la publication et des éléments librement invoqués et débattus par les parties“, le Tribunal relève que le photo montre l’intéressé “avec ses enfants dans un lieu public“, et “ne révèle qu’une scène banale de la vie quotidienne”. Il souligne aussi que le demandeur a “très régulièrement évoqué sa vie privée à l’occasion d’interviews consenties, tout particulièrement sa vie familiale, de telle sorte qu’il ne peut ignoré qu’il a ainsi reculé les limites de son intimité en suscitant la curiosité du public” (jugement page 4).

Au final, s’il obtient l’interdiction d’exploitation de la photo (sous peine d’astreinte) qu’il avait sollicitée, le plaignant voit par contre ses demandes financières très sérieusement réduites (il obtient 200 euros en lieu et place des 8000 sollicités).

Qu’en penser ?

Le Tribunal n’envisage pas la question des “injonctions” prétendument données par l’agence de presse à ses propres agents de ne plus faire usage de la série de photos ayant donné lieu au premier jugement. Ce que retient la juridiction, c’est au contraire la “faute initiale” qui consistait à diffuser cette photo qui constitue incontestablement, selon le juge, une atteinte au respect de la vie privée de l’acteur. En ce point, le jugement est intéressant et pourrait, s’il donne lieu à d’autres décisions identiques, amener également les agences de presse à un peu de parcimonie et de prudence dans la diffusion de certaines photos.

Au niveau du préjudice, rien de bien nouveau par contre, puisque l’attitude antérieure du plaignant (les interviews régulières dans lesquelles il évoque sa vie de famille) ont contribué à diminuer son préjudice, le Tribunal retenant qu’il a ainsi “reculé les limites de son intimité” (jugement, page. 4).

Un jugement tout en nuance donc, et un équilibre à mon sens fort bien trouvé.

 

6 commentaires sur cet article

  1. Bonjour
    en lu de ce procè de droits à l’image je suis dans le cas où mon image est diffusé sur un site internet à mon insu. Que je n’ai jamais donné quelques qu’on que autorisation signer ni verbal.
    Ce client pour qui j’avais poser pour toutes ça collection de blouson de cuir. En 2011 est toujours sur internet c’est des personnes qui me l’on signaler cherc hier an des cuirs de marques vuitino et sont tomber sur tout un catalogue de mes photos.
    Pouvez vous m’aider à récupérer mes droits à l’image sur catalogue et inter ne et

  2. C’est effectivement très intéressant avec un jugement mesuré. Et pour revenir au thème du sujet, à savoir ” la responsabilité éventuelle de l’agence de presse “..on vient d’ apprendre qu’aujourd’hui ( 12/04 ) dans l’ affaire récemment très, très médiatisée entre un magazine people et une actrice française…. quatre personnes vont être renvoyées… mais devant le tribunal correctionnel, cette fois, c’est un autre échelon…Sont concernés le célèbre photographe ” paparazzi “, son collaborateur mais aussi le directeur général des éditions éditant le magazine en question ainsi que la directrice de la rédaction du dit magazine, pour atteinte à l’intimité de la vie privée ….Voila encore une affaire intéressante à suivre sur le plan juridique…

  3. Bonjour,
    Le site Getty Images ne veut pas retirer, après un échange de 5 mail, plusieurs photos de moi ou je suis tagué et qui apparaissent en 1ere page Google quand je tape mon nom prénom. Que faire ?
    Merci d’avance

    1. IL faudrait préciser dans quel cadre ces photos ont été prises. Une autorisation a-t-elle été signée avec le photographe pour leur diffusion ? Si oui, la diffusion par ce biais excède-t-elle l’autorisation ?
      Bref, quelques éléments sur le contexte aideraient à y voir plus clair 😉

  4. bonjour moi et ma fille nous sommes aller au cinéma et sur le trottoir il y avais une avant première avec tapis rouge avec Will Smith ,ma fille a était photographier sans mon autorisation et quelque moi plus tard elle apparaît dans un magazine elle avais 12 ans et en haut de page cet marquer ma love storie avec une stars je ne sait pas quoi faire

    1. Bonsoir,
      L’article laisse-t-il réellement entendre qu’il s’agit d’une “love story” entre votre fille et l’acteur ?
      Si oui, vous avez sans le moindre doute le droit de réclamer.
      Il faut bien sûr que votre fille soit reconnaissable, mais si tel est le cas, la publication me parait clairement abusive.
      N’hésitez pas à me consulter par mail si vous le souhaitez à ce niveau.

      Cordialement

      JV

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