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Photos dans les musées : l’épopée continue

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Bonjour à tous

Les lecteurs qui suivent le blog depuis longtemps se rappelleront peut-être d’une affaire à laquelle je consacrais un article en octobre 2010. Dans cette espèce, un photographe établi sous forme de société commerciale et spécialisé dans la photographie d’œuvres d’art avait remporté un litige contre la Ville de Tours qui prétendait l’empêcher de prendre des photographies dans un Musée.

La Cour Administrative d’Appel de Nantes avait considéré que pour autant que les photographies soient prises sans risque de dommages pour les œuvres photographiées (“sans manipulation des œuvres, dans des conditions de nature à assurer leur protection”), le principe de la liberté du commerce devait l’emporter sur les motifs invoqués par la Ville pour refuser les prises de vue.  Je vous invite à relire cet article.

Ce même photographe, exerçant toujours sous forme de société commerciale, s’est heurté à un refus identique concernant les œuvres exposées dans le Musée de la Révolution française à Vizille, et a attaqué la décision de refus du Président du Conseil Général de l’Isère devant le Tribunal Administratif de Grenoble.

Cette juridiction de première instance a toutefois rejeté sa demande, de telle sorte qu’il a interjeté appel de ce jugement, ce qui a saisi la Cour Administrative d’appel de Lyon.

L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon (7/7/2011, n°09LY02676) confirme fort heureusement la jurisprudence de la CAA de Nantes en relevant:
“Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci peuvent être le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir, à qui il revient d’apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s’assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l’ensemble de ces principes et de ces règles et qu’il en a été fait, en les combinant, une exacte application ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les photographies, pour lesquelles l’EURL PHOTO JOSSE, spécialisée dans la photographie d’oeuvres d’art dont elle assure la diffusion auprès des éditeurs d’ouvrages ou de revues scolaires, artistiques ou historiques, a demandé l’autorisation, devaient être effectuées sans manipulation des oeuvres et en éclairage naturel, dans des conditions de nature à assurer leur protection ; qu’en opposant, par la décision implicite attaquée, un refus de principe à la demande de l’EURL PHOTO JOSSE, sans examiner la possibilité d’exercer son activité dans des conditions compatibles avec les nécessités de la gestion du musée et du respect de l’intégrité des oeuvres, le président du conseil général de l’Isère a méconnu le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;”  (CAA Lyon, 7/7/2011, n°09LY02676)

Félicitation à ce photographe et à son avocat pour leur ténacité. Il est consternant que l’exercice de son activité professionnelle dans des conditions préservant les œuvres photographiées se heurte ainsi à tant d’obstacles administratifs.  Rappelons que c’est à ce prix que les ouvrages scolaires sont illustrés des œuvres d’art exposées dans les musées.

Joëlle Verbrugge

 

11 commentaires sur cet article

  1. Outch, si même Photo Josse a des problèmes avec ça, qu’en sera-t-il des amateurs?
    Cette marque est non seulement l’illustratrice de nombreux ouvrages d’art, scolaires, ou institutionnels, mais également la reine des cartes postales depuis 50 ans!
    C’est juste effrayant!

  2. Je vais relire attentivement, car il y a deux facettes ici : 1- la “liberté” de photographier sans attenter au sujet à photographier, ni son environnement ;
    2- L’aspect commercial : est gratuit ou payant? Je signale que dans mon petit Royaume, Terre d’héroïsme, certains musées font payer le quidam qui veut y photographier. Ce qui n’est qu’un corollaire de la liberté de photographier.
    A mon humble avis, dans notre société ou tout devient tarifé, on se dirige vers le concept : ” tu photographies ? ok, hors le cas de raison valable pour interdire, mais tu payes. “

  3. Certains musées publics français font déjà payer les prises de vue, par exemple le musée d’Orsay, qui a une grille tarifaire (http://www.musee-orsay.fr/fr/espace-professionnels/professionnels/entreprises/tournages-et-photographies/prises-de-vue.html). On peut quand même s’interroger sur le fondement en droit d’une telle redevance quand elle n’est justifiée par aucun service, c’est-à-dire quand le photographe a travaillé pendant une visite normale, sans intervention d’agent ou déplacement d’objet. Idem pour la distinction suivant l’usage publicitaire, éditorial ou à but non lucratif.

  4. Bonjour,
    Effectivement, j’ai encore gagné ce procès. De plus le Musée a été condamné à 1500 €. Mais à préciser que je n’ai toujours pas pu réaliser mes prises de vues car le conservateur me pose toujours des problèmes ( idem à Tours ) La justice c’ est bien mais encore faut il pouvoir faire appliquer les décisions. ( à noter une copie de l’ arrêt transmise au ministère …….)
    Je tiens à préciser que toutes mes demandes sont officielles dans le respect des lois. Et que les redevances demandées sont tout à fait normales ( du au dérangement occasionné ). L’abus de pouvoir de certains responsables de Musées est en réalité dans un grande majorité des cas un problème de concurrence commerciale, et dans d’ autres une volonté de garder une mainmise totale sur les oeuvres conservés dans les Musées.
    Il est quand même remarquable en période de crise, et de difficulté pour notre métier, ques des organismes publics se permettent de bloquer l’ activité d’ une entreprise privée.
    Affaire à suivre, car hélas les deux Musées cités ne sont qu’ un exemple quotidien pour moi.

    1. Bonjour
      Merci pour votre commentaire… et j’imagine fort bien qu’au quotidien ce doit être particulièrement pénible.

      L’Administration n’est en effet pas en manque d’imagination pour vous mettre des bâtons dans les roues….
      “Travaillez plus pour gagner plus”, ce doit être ça..

      En tout cas courage pour la suite, et n’hésitez pas à venir nous tenir informés.

      Joëlle Verbrugge

  5. Je n’ai pas pris la peine de lire l’arrêt… Mais il s’agit, j’imagine, d’œuvres dont les droits patrimoniaux sont échus. Si ce n’était pas le cas, l’autorisation des ayants droit de l’œuvre encore protégée par le droit d’auteur reste nécessaire.

    1. Bonjour
      L’arrêt ne le précise pas en réalité, il semble que personne ne se soit posé la question. En tout cas le litige ne semble avoir été abordé que sous l’angle du droit à l’image.

      Excellente soirée à vous

      Ravie de vous savoir lectrice de mon blog 😉

      Joëlle

  6. Bonjour,

    j’ai quand même du mal à comprendre que l’on puisse interdir la photo en lumière naturelle sans flash, faudra t il un jour payer plus cher pour visiter un musé avec les yeux ouvert ?
    En revanche je suis largement favorable à une sanction très forte pour ceux qui ne savent pas utiliser leur boitier sans flash, un petit contrôle à l’entrée ou une discussion permettrait à ceux qui ne sont pas certain de débrayer convenablement le flash AVANT de faire la prise de vue. Sur nos gros reflexes pas de soucis, mais les amateurs et leurs pockets tout automatique, c’est une autre histoire.

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