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Une oeuvre reproduite en couverture d’un livre n’est pas un élément accessoire.

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Bonjour à tous,

Retour, ce matin, sur la “théorie de l’accessoire”. Pour ceux qui n’auraient plus les notions en tête, il s’agit donc de la tolérance créée par la jurisprudence quant à la reproduction sur une photo d’une oeuvre elle-même protégée par un droit de propriété intellectuelle, mais uniquement lorsqu’on peut considérer qu’elle n’apparaît sur l’image qu’à titre accessoire.

Je vous invite à relire à ce sujet l’article publié ICI.

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Et voyons à présent l’affaire commentée aujourd’hui.

Les faits

A l’occasion de la sortie d’un ouvrage intitulé “Corrida, la honte”, l’éditeur avait utilisé en couverture une photo représentant une sculpture qui se trouvait sur une place publique à proximité des arènes dans une grande ville taurine. Cette sculpture avait elle-même été l’objet, à l’initiative de manifestants, d’une dégradation puisqu’elle avait été recouverte de faux sang.

Utilisant la photo de la sculpture ainsi maculée, l’éditeur avait créé la couverture de l’ouvrage qui donna lieu à la procédure. En effet, l’auteure de ladite sculpture assigna l’éditeur en référé (procédure urgente) afin que soit prononcée une interdiction de faire usage de cette photo sur la couverture du livre.

L’ordonnance (Président du TGI de Marseille, 15/9/2014, RG 14/02699)

En référé, le Président du Tribunal avait à départager les argumentations suivantes :

– La demanderesse, auteure de la sculpture, invoquait l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle (moraux et patrimoniaux) et donc la contrefaçon, et sollicitait qu’il soit fait interdiction d’utiliser la reproduction de son oeuvre sous peine d’astreinte

– L’éditeur, quant à lui, rétorquait que les droits patrimoniaux avaient été cédés à la Ville dans laquelle l’oeuvre était exposée, et qu’en outre, la sculpture n’était qu’un accessoire de la photo, le message principal étant constitué par le sang qui la maculait, et dont le déversement n’était pas de son fait.

Le juge écarta la demande relative aux droits patrimoniaux sur l’oeuvre. Peut-être un peu rapidement, d’ailleurs, car il ne semble pas avoir exigé que les parties débattent sur l’étendue des droits cédés par l’auteur de la sculpture à la Ville. Et rien ne dit que l’intégralité des droits patrimoniaux avaient été cédés…  sans doute un juge du fond aurait-il été plus loin dans les détails, puisque, rappelons-le, le juge des référés est chargé de juger sur “l’évidence” et l’urgence, et qu’il lui était demandé d’ordonner éventuellement l’interdiction de faire usage de la photo en couverture.

Pour le surplus, il va par contre accueillir la demande sur le plan des droits moraux, et ce dans les termes suivants :

 Corrida la honte - extrait

Qu’en penser ?

Si comme je l’indiquais plus haut, le débouté au niveau des droits patrimoniaux me parait un peu rapide, à défaut d’avoir examiné la réelle étendue des droits cédés par l’auteur de l’oeuvre à la Mairie, le reste de la décision est dans la logique de la jurisprudence actuelle.

Même maculée de sang du fait des manifestants, la sculpture était un élément principal de la couverture. Un petit tour sur Google me permet d’identifier la couverture, qui doit être celle qui apparaît ICI.

L’ordonnance est donc logique, et conforme à ce qui constitue pour l’instant la règle en matière de reproduction des oeuvres protégées.

Et je vous souhaite un excellent WE (qui arrive). Le blog va passer en phase d’hibernation pendant le mois de novembre, du fait de mes déplacements à Paris pour les conférences du Salon de la Photo puis à Montier-en-Der. Concernant les conférences, voici les infos pratiques :

. les horaires
. et de quoi télécharger des entrées gratuites au Salon

Mais soyez rassurés.. je continue à vous préparer quelques surprises pour l’hiver. J’y travaille même d’arrache-pied, en attendant que de leur côté, les pouvoirs publics me permettent de disposer enfin de la matière pour y voir plus clair dans les dernières évolutions en matière de statuts des photographes…. le programme est donc chargé, et je continuerai à venir relayer les informations rapides sur la page Facebook.

FB-DEPA très bientôt.

                              Joëlle Verbrugge

9 commentaires sur cet article

  1. Bonjour,

    Oui mais…

    Avant toute chose, ne faut-il pas considérer la réalité des faits: cette œuvre supposée est exposée publiquement : qui veut la photographie donc librement et en diffuse l’image tout autant librement. Non ?

    Et merci pour ce blogue, précieux par des temps qui confondent de plus en plus partage et contrefaçon (et donc générosité et illicite profit).

    K.-G. D.

    1. Si, je viens de vous répondre…. la question était bien juridique… sans doute arrivée un jour au milieu de … 100 ou 200 mails… à l’impossible nul(le) n’est tenu(e)…..

    2. Tout dépend de la finalité de la reproduction..
      Parcourez le blog avec le mot clé “théorie de l’accessoire”… aussi longtemps que l’oeuvre reproduite n’est qu’un élément du décor, cela passe
      Mais dans tous les autres cas, si l’oeuvre apparait comme élément principal, ça ne passe plus…. dixit le Code de la Propriété intellectuelle lui-même…
      Et s’il s’agit en outre de la modifier, ça passe encore moins…

      Joëlle Verbrugge

  2. Bonjour Joëlle,
    j’avais une question pour droits d’auteur concernant un Café associatif de train de se créer, matériellement dans ses murs, et qui va lancer son site .
    Le terme “associatif” doit il apparaître clairement dand le titre? Et cela le protège t’il dans toutes les photos qu’il pourrait faire et éditer sur son site?(même à l’extérieur du café pendant un évènement, ou bien dans les lieux du Café sans demander la permission au personnes pendant un spectacle?).
    J’espère vous attraper avant le “Salon”…notre réunion” Commission Info “à ce sujet aura lieu le 19novembre prochain.
    Merci Joëlle et très bon “Salon” et séjour à Paris.
    y at’il des situations où toutes associations ne peuvent produire des vues sans autorisations de l’auteur ou du propriétaire de l’oeuvre?

  3. On pourrait penser aussi qu en,reproduisant cette statue maculée de sang le photographe et l éditeur font acte d informer d une actualité et d un fait de société ….. Comment aurait on jugé cette même photographie dans un journal, accompagnée d un article relatant la façon dont cette statue avait été vandalisée ?

    1. Dans ce cas il est possible que cela aurait été admis justement, au titre du droit à l’information… ce qui n’a pas plu au Juge, dans l’affaire que je commentais, c’était que la photo ait été utilisée comme accroche pour faire vendre le livre…

  4. Bonjuour, J’aimerais créer une mémoire des livres comme projet d’apprentissage informatique servant d’appui à mon fils. Puis-je utiliser les couvertures sur notre site web et si oui, dans quelles conditions/méntions? A ce moment, il est sur wordpress, mais je pense le transferer à un domain réel. Merci d’avance de votre réponse!

    1. Bonjour
      Juste reproduire les couvertures ? Pas de problème. Il suffit juste d’indiquer ensuite les infos sur le livre : Titre, auteur, éditeur…
      Bien à vous
      JV

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