“C’est la crise, allons chercher l’argent chez les plus riches” – MAJ Juin 2014
Publié le 26 juin 2014
Cet article a été mis à jour au 26/6/2014, le problème signalé prenant de l’ampleur. Je vous invite donc, si vous êtes auteur et que vous faites l’objet d’un contrôle de cette nature, à vous faire rapidement assister en gardant à l’esprit que les procédures fiscales impliquent parfois le respect de délais stricts pour l’organisation de votre défense.
Bonjour (à nouveau)
L’article que je vous propose cet après-midi est consacré à un mouvement qui semble se dessiner au sein du Ministère des Finances, et qui consiste à contester l’application de la TVA à taux réduit pour certaines notes de cessions de droits émises par les auteurs, en suscitant des redressements fiscaux à leur charge.
A deux reprises déjà, j’ai été informée par des auteurs – bien entendu assujettis à la TVA – de ce que l’Administration leur contestait l’application du taux réduit de 7% sur tout ou partie de leurs notes d’auteur, et ce même après avoir constaté qu’il n’y avait bien sûr ni photos de mariage, ni photos d’identités, ni quelque prestation commerciale que ce soit. Le tout après avoir passé en revue de façon détaillée les notes en question.
En pratique, cela implique donc – à suivre l’Administration, un redressement pour appliquer à ces notes un taux de 20% en lieu et place du montant perçu – et payé au Trésor public – de 10% (ou, pour le prestations d’avant le 1er janvier 2014, 19,6 % et 7%). Les inspecteurs vont jusqu’à expliquer aux photographes médusés que pour eux, c’est une “opération blanche” puisque c’est en tout état de cause c’est le client qui paie la TVA !
Mais en pratique bien sûr, il n’est pas question de refaire des notes d’auteur avec des arriérés de TVA à des clients à qui des droits ont été cédés depuis 1 ou plusieurs années (selon le zèle du de l’Inspecteur chargé du contrôle). Et donc, cela revient pour le photographe à payer de sa poche 20 – 10 % des rémunérations artistiques contenues dans ces notes d’auteur, soit donc la différence entre la taxe réellement payée par le client et déjà versée au Trésor public, et celle que celui-ci lui réclame au moment du contrôle.
Mais sur quelle base ?
La base légale du taux réduit
La justification de cette tendance semble bien difficile à percevoir. Pour rappel en effet, le Code Général des Impôts lui-même prévoit dans son article 279, g) :
“g. Les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des oeuvres de l’esprit et aux artistes-interprètes ainsi que de tous droits portant sur les oeuvres cinématographiques et sur les livres
Le taux de TVA à appliquer est donc clairement de 10% sur les cessions de droits.
Que dit le Fisc ?
A l’appui de ses redressements, dont il semble y avoir une vague (confinant doucement de plus en plus à la déferlante), le Fisc argumente en avançant le fait qu’un travail de commande est nécessairement une prestation de services dès lors que le sujet est imposé par le client…
En d’autres termes, et à suivre nos Inspecteurs, le simple fait qu’une commande soit passée exclut toute empreinte personnelle dans le travail de l’artiste en général, et du photographe en particulier.
Si, pour ma part, ce ne sont “que” deux sept photographes qui m’ont contactée sur le sujet, l’UPP est par contre informée d’un grand nombre de cas allant dans le même sens.
J’ai donc pu m’entretenir de la question tant avec un responsable de l’UPP, Jorge Alvarez, qu’avec un comptable spécialisé, Eric Hainaut. Tous deux me font la même remarque : “J’imagine que bientôt le Fisc nous expliquera que la Chapelle Sixtine qui était une œuvre de commande, n’est pas artistique”.
Poussé à l’extrême, le raisonnement aboutit en effet à cette conclusion…
Or, si – même pour une commande – il est fait appel à un photographe plutôt qu’à un autre, c’est bien entendu pour l’empreinte personnelle qu’il pourra laisser dans ses photographies… Et devra-t-on un jour aller démontrer à une juridiction administrative que sur le même sujet, 10 photographes font 10 séries de photographies totalement différentes ?
L’UPP m’a également transmis (merci beaucoup !) la copie d’un courrier qui lui avait été envoyé en 2000 (la loi n’a pas changé depuis, faut-il le rappeler ! – sauf sur le taux réduit, passé de 5,5 à 7% et aujourd’hui à 10%) par la Direction des Services Fiscaux de Paris. Sur interrogation de cette organisation professionnelle, et après avoir rappelé que le taux de TVA réduit s’applique également aux tirages originaux répondant à la définition de l’article 98A de l’Annexe III (tirage dans la limite des 30 exemplaires, signés par l’auteur etc…), l’Administration précisait :
(Extrait de la Lettre du 26/5/2000 de la Direction des Services Fiscaux de Paris à l’UPP)
En 2000, certes, la crise ne battait pas son plein comme c’est le cas aujourd’hui. Mais aucune crise n’autorise à “interpréter” les lois au-delà de leur libellé. L’article 279 g) que j’ai reproduit ci-avant n’exclut en aucune manière les œuvres de commande, puisqu’il vise “les cessions de droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des œuvres de l’esprit /…/”.
Que faire ?
Je ne vais bien sûr pas vous conseiller de refuser les commandes… Ni, moins encore, de facturer dès le départ la TVA au taux ordinaire (même si je sais que certains le font déjà depuis plusieurs années).
Mais en tout état de cause, il est donc indispensable de se réserver la preuve, tant sur les notes d’auteur elles-mêmes que sur les documents annexes (échanges de mails etc…) de ce que la finalité de l’opération est bien une cession de droits, dont l’étendue et la durée sont clairement précisées. Ceci ne suffira sans doute pas dans l’immédiat.
Si vous êtes destinataires d’une lettre de l’Administration à ce sujet, je ne peux que vous conseiller de vous faire assister rapidement par un fiscaliste rompu aux procédures fiscales, lesquelles impliquent généralement le respect de délais très stricts.
Bonne fin d’après-midi (malgré tout).
Joëlle Verbrugge
Bon on en est sur nous sommes en faillite… et pendant au moins deux années cela ne va être que cela, attention les yeux, à partir de demain soir cela va être des contrôles avec des endoscopes pour chercher nos sous..
Ça fait juste 8 ans que je dis que ça pourrait et devrait arriver (sur la base d’informations dont je disposais), sous les ricanements des photographes. Prochaine étape pour les commandes, l’Urssaf.
Quant à comparer la chapelle Sixtine avec une commande lambda, il faut juste être ignare.
Ah ça, il n’y a pas que des flèches d’intelligence parmi les Inspecteurs des impôts non plus 😉 Comme partout d’ailleurs
Tout à fait d’accord avec l’analyse de Joëlle. L’exemple de la chapelle Sixtine est bien sûr extrême mais les commandes (avec ou sans thème imposé) ont toujours fait partie (et heureusement) de la vie des auteurs et des artistes.
Ce qui se passe en fait, c’est que ce sont maintenant les inspecteurs des impôts, qui à l’instar des juges, décident de l’originalité d’une oeuvre !!!
Et que dire des musiciens … Mozart et Bach ont été employés toute leur vie. Et les compositeurs contemporains ne peuvent envisager de vivre de leur musique sans répondre à des commandes ! Personne ne conteste pour autant l’originalité de leurs oeuvres, ou leur droit à toucher des droits d’auteur.
Mais le manque de culture dont je parle, c’est le vôtre ! Vous confondez, et ça n’a rien à voir, les artistes de l’époque, qui vivaient de commandes et chez lesquels le succès passait par le montage d’une véritable entreprise, mais qui étaient bien identifiés comme des artistes, et les auteurs d’aujourd’hui dont certains répondent à des commandes sans exposer beaucoup de photos ; et donc, d’un point de vue extérieur, sans faire de travail artistique.
Quant aux commandes, il ne faut pas confondre la commande d’une œuvre unique destinée à être exposée et celle de clichés pour une entreprise et destinés à sa communication.
La notion de “culture” évolue aussi avec son temps…. comme tout le reste !
C’est sûr, Didier, c’était mieux avant…
Est-ce qu’il n’y a pas différents types de commandes faites par des clients (entreprises ou autre structures …) ? Il me semble difficile de comparer les prises de vue faites quasiment sous la direction d’un représentant du client (on est quasiment dans une situation de subordination !), et celles où le photographe utilise sa créativité pour répondre à un besoin exprimé (par opposition à une solution imposée).
Bonjour,
Petite question d’un auteur affilié avec TVA que faire dans le cas où par “prudence ” un auteur facture à 20% au lieu de 10% dixit plus haut pour ses notes sur une année, est-ce vraiment prudent ? ou est-ce que cela peut être contre-productif voir dangereux avec une contestation du fisc ou autre de ne pas relevé du régime d’auteur ?
Merci
Un lecteur assidu