Il fait bon vivre dans le Béarn….
Publié le 19 juin 2013
Re-bonjour,
En marge de l’article publié dans le dernier “Compétence Photo” (CP n°34, encore en kiosques) et où il est question des aspects juridiques des concours photo, un lecteur installé dans le Béarn me signale un règlement de concours qui aurait bien pu rejoindre la liste rouge de l’UPP.
A la clé : une exposition en grand format.. Jusque là également, pas de difficulté.
Par la suite, les choses se corsent néanmoins.
L’article 7, intitulé par erreur “droit à l’image”, mais visant bien le droit d’auteur (et non le droit à l’image, qui serait celui des personnes représentées sur une photo ou des propriétaires d’un bien), contient un engagement des participants sur le fait qu’ils sont bien les auteurs des images. Rien d’anormal à ce niveau, un organisateur entend bien sûr se prémunir contre les risques de contrefaçon des participants eux-mêmes, qui l’exposeraient à une action de la part de l’auteur véritable.
Mais il faut bien sûr lire l’article 7 dans son intégralité :
“Droit à l’image Droit d’auteur (correction apportée par mes soins)
Chaque participant déclarant être l’auteur de la photo soumise, reconnaît et accepte qu’en la soumettant, il cède son droit d’auteur et renonce à l’intégralité de ses droits sur celle-ci.
Tous les participants donnent le droit et la permission à l’organisateur du concours d’utiliser les photographies soumises sur les supports de communication de la ville sans aucune forme de rémunération, permission ou avis.”
L’article 8, ensuite, sous le titre “Responsabilités”, prévoit une possibilité d’annulation ou de prolongation du concours “en cas de force majeure” ou “si des circonstances exceptionnelles” l’exigent. Et dans ce cas, “l’organisateur ne saurait être tenu responsable du non-respect du “droit à l’image” par le dépositaire des photos”.
On compte ?
1) Les droits moraux sont par nature incessibles et intransmissibles…. dès lors, une renonciation “à l’intégralité” des droits est impossible, et illégale.
2) Si on peut imaginer, précise le Code, de céder des droits à titre gratuit, cela doit impérativement se faire par le biais d’un contrat.
3) Une cession de droits doit impérativement être limitée dans le temps, l’espace et quant aux utilisations autorisées….. point de trace, ici, d’une limitation quelconque
4) Etrange également : la Ville s’autorise à utiliser TOUTES les photos.. pas seulement celles qui ont été primées, mais toutes les photos SOUMISES….
A ce titre en effet, il est plus intéressant de financer une exposition, fût-ce en “grand format”, en tablant sur un taux de participation élevé, qui fournira une photothèque bien garnie, que de faire appel aux services d’un professionnel pour alimenter ladite photothèque… j’en connais quelques uns, parmi les professionnels du coin, qui vont bondir…
5) En cas d’annulation, pour “circonstances exceptionnelles” ou parce qu’il y a moins de 10 inscrits, le concours peut être annulé…. certes…. mais dans ce cas, l’organisateur indique :
• qu’un “dépositaire des photos” (mais qui donc, puisque les photos candidates doivent être envoyées à la Ville) pourrait éventuellement oublier de respecte le “droit à l’image” (lire ici, comme au préalable, le droit d’auteur, puisqu’il s’agit de paysages, sans droit à l’image impliqué !)
• et que la Ville décline toute responsabilité dans un tel cas de contrefaçon..
Ceci revient à écrire : “si nous annulons, nous utiliserons peut-être “par accident” les photos soumises, dont nous sommes dépositaires, mais ceci ne sera pas de notre responsabilité”.
A moins que l’on vise le prestataire extérieur chargé de réaliser les tirages grand format de l’expo, mais ceci n’a pas de sens, puisque si le concours est annulé, il n’y a pas d’expo, ni, donc, de tirage, et de prestataire extérieur. Le seul dépositaire est donc bien la ville.
Enfin… on peut s’estimer heureux, le concours est gratuit… Et s’il est destiné aux amateurs, c’est vraisemblablement dans l’espoir que ceux-ci, moins informés, ne liront pas entre les lignes…
… je l’ai donc fait pour eux, en remerciant le lecteur pour l’information qu’il m’a transmise.
En espérant par contre qu’il n’y a pas VRAIMENT des photographes professionnels qui ont accepté de faire partie d’un jury pour un concours de ce genre…. ou alors il ne faudra plus s’étonner que la profession va mal…
Je suis par contre étonnée : il manque une mention sur le fait que la Ville peut recadrer ou modifier les photographies sans l’accord des photographes.. ou peut oublier, par accident et à l’insu de son plein gré, de faire mention du nom des auteurs, sans que cela puisse lui être reproché..
Peut mieux faire, quand même !
Joëlle Verbrugge
Ce n’est ni le premier, ni le dernier concours de ce type, mais compte tenu de toutes ces irrégularités, un photographe dont les images seraient utilisées dans un autre cadre que l’exposition promise par l’organisateur n’a-t’il pas de bonnes chances de gagner devant les tribunaux, même s’il a tacitement accepté ce règlement ?
Mais peut-être est-ce un risque “calculé”.
Sans vouloir faire de mauvais esprit, je crois que pour “calculer ce risque”, ce que certains font sans doute par ailleurs, il faut déjà en amont connaitre la différence entre droit à l’image et droit d’auteur.
Dans l’état actuel je crois qu’il s’agit essentiellement d’une énorme lacune juridique…. pour rester polie disons 😉
Joëlle Verbrugge
Lamentable !
C’est le mot qui me vient à l’esprit lorsque je lis l’excellente contribution de Joëlle.
Lamentable, d’avoir une telle lacune sur le plan juridique, surtout de la part d’une collectivité qui a peut-être par ailleurs des compétences voire même un service juridique.
Lamentable, également de vouloir “persister” dans de telles rédactions de règlements, alors que la presse photo disponible en kiosque se fait (malheureusement) régulièrement l’écho de ces pratiques.
Photographes amateurs, mes frères, lisez bien le blog-qui-va-bien (!) avant de vous précipiter sur les concours attrape-gogos qui pourraient être si tentants et ainsi vous permettre de vous faire “connaître” !
Un seul mot d’ordre : restons vigilants !
Malheureusement ce réglement est un copié/ collé des nombreuses municipalités peu scrupuleuses des droits des photographes qui paient leurs impots et taxes dans ces mêmes municipalités. Notre métier est en péril. Faisons valoir nos droits et uniquement nos droits. Nous nous sommes batus pour conserver nos prérogatives pour les photos d’identités, nous saurons aller jusqu’au bout pour défendre cette profession.
Bonjour, dans le même genre, ce concours lancé par la Radio Aisne-Info : http://www.aisne-infos.com/jeu-concours-photo.ws
essentiellement en son article 5 :
Les participants transfèrent la propriété intellectuelle de leur cliché à Aisne-Info.
Que faut-il penser de ces 2 autres articles :
Article 7 : (Vente forcée ou pas ?)
Le classement récompensera les 10 premiers et se verront remettre par courriel un pass d’invitation numéroté “Une journée au Musée Automobile” à Crépy (02), ce pass est valable pour une personne et cette personne doit-être obligatoirement accompagnée d’un adulte payant. Le tarif pour l’adulte payant est fixé à 8 euros pour la journée.
Article 9 : (Légal ?)
Les participants renoncent à toutes poursuites judiciaires envers Aisne-Info pour quelque motif que ce soit.
Merci Joëlle !
Pour info, l’article 5 vient d’être supprimé 😀 Les organisateurs n’avaient visiblement pas conscience du droit des auteurs. Merci à eux pour ce point positif.
L’article 7 également qui devient : Article 6 :
Le classement récompensera les 10 premiers et se verront remettre par courriel un pass d’invitation numéroté “Une journée au Musée Automobile” à Crépy (02), ce pass est valable pour une personne.
Parfait 😀
Oups sorry, pasvu à temps.. je vois que vous avez géré ça
J’étais en congé.. et je n’ai toujours pas réglé le problème de mes commentaires sur le blog qui ne me sont plus notifiés par mail.
Je vais relancer mon informaticien sur cette question, car c’est agaçant, je rate des trucs importants, à défaut d’avoir le temps de vérifier en permanence 😉
Joëlle, à défaut, tu peux utiliser le flux RSS : moi, je reçois tous les commentaires. 😉
Merci pour votre intérêt.
Je reviens juste sur le point suivant que l’on rencontre assez souvent :
Article 9 :
Les participants renoncent à toutes poursuites judiciaires envers Aisne-Info pour quelque motif que ce soit.
Ma question est-ce que cela a une valeur légale ?
Encore merci.
Laurent
Bonjour et merci pour votre blog.
pour faire suite à ce billet, je voudrais vous signaler l’excellente initiative (de mon point de vue) du site Naturapics. Ce site tient à jour une liste rouge des concours “dont un des points du règlement autorise la cession gratuite des images gagnantes (ou participantes) à des fins de promotions de l’activité de l’organisateur et/ou de ses partenaires.”
http://www.naturapics.com/liste-rouge-des-concours-photographiques/
A noter que ce site ne se contente pas de signaler ces concours *#@!!! mais qu’il les contacte et, parfois, arrive à obtenir une modification des articles litigieux.
Xavier
Bonjour. Oui je connais ce site. On en parle également dans la chronique de Compétence Photo qui avait été consacrée à cette question des concours aux règlements abusifs ;-). Si ce sujet vous intéresse, l’article paru dans CP devrait vous apporter quelques infos également.
Joëlle
Bonjour,
Je suis régulièrement ce site très intéressant (j’ai même déjà participé à une conférence avec la FPF sur le droit à l’image et acheté les livres relatifs que vous avez fait sur le droit et la photo)
Je viens de recevoir une invitation à participer au concours des arts visuels 2013-2014 du Lions Club…
Pareil, je vous cite l’article 9:
Article 9 – Droits d’Auteur :
Chaque participant autorise le Lions Clubs International à utiliser
éventuellement son œuvre primée à des fins de promotion de ses actions et abandonne ses droits à l’image, sans conditions ni contrepartie. Le fait de concourir implique l’acceptation du présent règlement.
Qu’est ce qu’on peut faire?
Bonjour
..on peut leur expliquer qu’on ne parle pas de “droit à l’image” en matière de propriété intellectuelle, mais de droit d’auteur.
Et qu’une utilisation par l’organisateur ne peut se justifier que pour la promotion et la communication autour du concours lui-même 🙂
bon courage 😉
Joëlle Verbrugge