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La rigueur de la preuve en matière de constat sur Internet

Bonjour

L’article d’aujourd’hui est consacré à un sujet qui revient fréquemment dans les dossiers, et qui est celui de l’utilité de faire pratiquer un constat Internet par un huissier de justice.

J’avais consacré en son temps une chronique complète sur la question des constats en ligne dans Compétence Photo (CP n° 23 ).

Les explications données à l’époque restent non-seulement valables, mais en outre de plus en plus d’actualité, à l’heure où la jurisprudence veille au grain quant à la fiabilité des constats effectués en ligne.

Pour les bases théoriques, je vous invite à relire cette chronique.

Pour ma part, je commenterai aujourd’hui un arrêt récent qui traite de preuve en ligne, et qui vous démontrera l’importance qu’il faut accorder à cette étape de la constitution d’un dossier.  Si l’affaire elle-même ne traitait pas de photographie ni précisément de droits d’auteur, c’est au titre du droit de la preuve, dont la connaissance est indispensable pour tous, qu’il nous intéresse aujourd’hui.

– L’arrêt (CA Lyon , 8ème Ch., 13/11/2012,RG 11/04367)

Une société avait assigné une autre dans le cadre d’un litige relatif à des faits de “spamdexing” (le fait pour une entreprise d’utiliser des mots clés étrangers à ses activités précises, afin de s’attirer des visites grâce au système d’indexation des moteurs de recherche).

A l’appui de son action, la demanderesse  avait produit 3 constats d’huissier devant le Juge des Référés du  TGI compétent. Ce magistrat l’avait toutefois déboutée en constatant le manque de force probante des constats.  Elle avait alors interjeté appel, ce qui nous vaut l’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon dont il est question ici (CA Lyon, 8ème ch., 13/11/2012, RG 11/04367).

La Cour, après avoir rappelé les éléments techniques indispensables à la validité d’un constat en ligne (description du matériel utilisé, mention de l’adresse IP de la connexion, contrôlée de la connexion sans serveur proxy, effacement des mémoires caches, des fichiers temporaires et formulaires), rend une décision sévère mais conforme à la jurisprudence actuelle et formulée en ces termes :

Toujours dans cet arrêt, et en plus des trois constats d’huissier problématiques, la demanderesse prétendait tirer argument d’un échange d’eMails dont l’un contenait lui-même une capture d’écran des résultats de recherche sur Google.

A cet égard toutefois, la Cour est tout aussi ferme pour rejeter ce mode de preuve :

La Cour va même – et cela n’est pas fréquent en matière d’insuffisance de preuve – jusqu’à condamner à d’importants montants au titre de procédure abusive.

– Pour conclure

En effet, un constat d’huissier peut représenter un coût important. Ce coût dépendra lui-même du nombre de pages à visiter pour procéder au constat du point précis qui doit être démontré, j’y reviendrai prochainement.

Mais en pratique, et surtout lorsque votre litige implique des enjeux financiers importants, il est pour l’instant – bien sûr lorsqu’il est confié à un professionnel compétent ! – la seule façon de faire efficacement valoir vos droits en justice.

Et même au stade de la négociation préalable, il faut reconnaître que le constat joue bien souvent le rôle d’un joker important, qui permet d’aboutir à des résultats négociés très satisfaisants.

Tout est donc question d’espèce, bien entendu, et l’utilité de la démarche doit dépendre de l’enjeu des demandes à formuler.

Mais prenez le temps de bien peser le pour et le contre avant de rejeter d’emblée l’option.

Excellente journée à tous

Joëlle Verbrugge

 

11 commentaires sur cet article

  1. Bonjour,
    et merci de ce commentaire d’arrêt fort intéressant.
    Dans pareille situation, que peut-on espérer obtenir de l’huissier négligent?
    Cordialement,

    1. Bonjour
      A mon avis l’huissier dont il est question a dû se retrouver avec une action en responsabilité civile….
      Car entretemps il est probable que le préjudice (s’il existait) ait disparu, la société défenderesse pouvant en effet supprimer les mots clés susceptibles de poser problème….

    2. Bonjour à vous,j’ai une vidéo et des photos qui ont disparu de mon compte Google.Comment je peux savoir d’où l’effacement à était faite.Je me sert de 2 téléphones,samsung et Motorola et 1tablette Samsung.Pouvez vous me dire comment faire pour retrouver la machine et la personne qui a effectuer l’effacement de mes données.D ans l’attente d’une réponse,
      Cordialement

    3. Bonsoir… je n’en ai malheureusement aucune idée. IL faudrait plutôt voir auprès d’un spécialiste de la sécurité internet, ou simplement vérifier vos paramétrages si la synchronisation se fait dans les 2 sens (et qu’un effacement sur votre téléphone efface aussi dans le cloud)…

  2. Vous allez dire que je suis têtu… 🙂 Ce qui n’est pas exclu.
    Mais après vérification, mes fameux constats en ligne commencent bien par toutes les spécifications explicitées dans ce billet (pas de proxy, caches vidés, pas de cookies…). Donc au final, il me semble qu’il ressort de ces explications qu’il aurait été moins risqué pour le plaignant d’avoir recours aux services de netconstats, dont la procédure informatique et les configurations respectent les demandes des tribunaux, plutôt que d’huissiers incompétents.
    Une fois encore, en attente d’une jurisprudence qui nous dise clairement si oui ou non, ces constats sont recevables ou pas, mais en tous les cas ils ne peuvent être écartés, il me semble, pour aucun des motifs avancé ci dessus.
    Après, effectivement, tout est aussi une question d’enjeu : quand le préjudice dépasse les qqs centaines d’euros, il ne faut pas prendre de risque et trouver un huissier compétent (mais je suis sûr que le plaignant pensait que tel était le cas pour le professionnel qu’il avait choisi).

  3. Qu’en est-il lorsqu’on annonce à un société une contrefaçon et que par retour de mail elle explique que oui, elle a commis une erreur en utilisant une photo qui n’était pas libre de droit et que pour la corriger elle a procédé au retrait de la photographie en question? Le mail attestant de l’erreur et donc de la contrefaçon constitue t-il alors (en admettant que l’adresse mail comporte le nom du responsable publication et que le mail soit signé par le responsable publication) une preuve aux yeux de la loi?

    1. Il devrait en tout cas constituer un “commencement de preuve par écrit” au sens du Code…
      Mais ne servira pas, par exemple, pour démontrer la taille que prenait la photo sur la page web etc….

  4. Je pose cette question parce que je joins souvent une capture d’écran (faite par moi-même) dans mon mail pour prouver la contrefaçon et que je me dis souvent qu’ils pourraient me rétorquer que je n’ai pas fait de constat d’huissier. Une fois la photo retirée, trop tard pour faire constater par huissier la contrefaçon MAIS l'”aveu” dans le mail constitue-t-il une preuve?

  5. Bonjour, je rencontre un problème similaire à celui que vous décrivez, mais je n’arrive pas à mettre la main sur l’arrêt de la 8ème chambre de la cour d’appel de Lyon que vous mentionnez. Je ne le trouve pas sur Légifrance.
    Comment vous l’êtes vous procuré ?
    MErci pour votre réponse !

    1. Bonsoir.. je ne me rappelle plus, sans doute sur une des bases de données spécialisées auxquelles je suis abonnée…
      Toutes les jurisprudences ne se trouvent pas sur Légifrance, loin s’en faut….
      Bien à vous ,

      JV

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