Photographie sportive, originalité et rafale
Publié le 9 mai 2012
Bonjour
L’article d’aujourd’hui concerne la délicate question de l’originalité lors des prises de vue en rafale. Ce n’est pas la première fois que j’évoque la question, mais l’arrêt trouvé tout à l’heure méritait (malheureusement) que l’on s’y attarde.
A. Les faits
Un photographe spécialisé en photos sportives était employé dans le cadre d’un contrat de travail par une agence. Son contrat avait toutefois été rompu abusivement par l’agence en question, ce qui avait donné lieu, dans une procédure parallèle, à un arrêt de condamnation par la chambre sociale de la Cour d’appel de Paris en 2008, aux torts de l’agence. L’arrêt de la Cour d’appel contenait semble-t-il (mais je n’en n’ai pas copie) une reconnaissance de l’originalité des photographies prises par le photographe, élément invoqué dans le cadre du litige de droit du travail avec son ancien employeur, l’agence photographique.
Parallèlement à cette procédure, il avait assigné différentes parties, dont son ancien employeur, mais également diverses sociétés, sur base de la contrefaçon, et ce du fait de l’usage de différentes photographies dont il était l’auteur. Il s’agissait notamment de photographies de sportifs renommés, dont Zinedine Zidane, qui avaient été utilisées dans le cadre de campagnes publicitaires utilisant l’image de ces sportifs. Au total, pas moins de 38 publicités étaient concernées, ainsi que des produits DVD, des jeux vidéo et des extraits de sites Internet. A cela s’ajoutait un livre d’hommage au footballeur précité, et dans lequel apparaissaient plusieurs de ses photographies.
Pour couronner le tout, certaines photographies étaient utilisées sans mention de son nom, de telle sorte qu’il invoquait donc également une violation de son droit moral à la paternité sur l’œuvre.
En première instance, le Tribunal avait été amené à se prononcer sur l’originalité des photographies, et avait débouté le photographe de ses demandes, en considérant que celles-ci, prises au cours de matchs et compétitions sportives, n’étaient pas suffisamment originales.
Il avait donc interjeté appel, ce qui abouti à l’arrêt dont il est question aujourd’hui.
B. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris(CA Paris, Pôle 05, ch. 2, 24/2/2012, RG 10/10.583)
1) Les arguments invoqués
Au titre des arguments développés quant à l’originalité des photos, le photographe invoquait :
. d’une part que l’arrêt rendu dans le cadre du litige de droit du travail l’opposant à son ancien employeur avait force de chose jugée quant à l’originalité des photos
. d’autre part, et toujours quant à la question de l’originalité, que les photographies litigieuses revêtaient bien le caractère d’originalité suffisant pour être éligibles à la protection au titre du droit d’auteur.
Restait également la question du fondement de l’action sur le plan des droits patrimoniaux. Le photographe était, rappelons-le, salarié de l’agence en question. Il invoquait donc notamment l’article L7113-2 du Code du Travail dans sa version applicable au moment des faits, qui prévoyait que le droit de faire paraître une œuvre dans plus d’un journal ou périodique était subordonné à une convention expresse régissant les conditions de cette publication. En d’autres termes, et du seul fait de l’existence d’un contrat de travail, l’agence était en droit de faire paraître une seule et unique fois les photographies du photographe salarié
A cela s’ajoutait une demande au titre des droits moraux, puisque certaines photos avaient été publiées sans mention de son nom, et parfois recadrées ou insérées dans un photomontage.
2) La décision de la Cour
– Quant à l’originalité
La Cour a refusé de prendre en considération l’arrêt de la chambre sociale de la Cour, estimant que cette éventuelle reconnaissance n’avait été faite qu’à titre incident, et que la Cour d’appel n’en n’avait tiré aucun argument et avait simplement appliqué les règles du Code du Travail dans son analyse des droits du Photographe.
Sur la question de l’originalité, par contre, la Cour d’appel fait en partie droit aux demandes du photographes en procédant à un raisonnement qui peut être décomposé comme suit :
. Tout d’abord, la Cour rappelle les principes et résume l’argumentation du photographe quant à son choix des angles de prises de vue, de cadrage et de lumière :
“L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette ouvre du seul fait de sa création, d un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ;
(Le photographe) a engagé une action en contrefaçon de ses photographies devant le tribunal de grande instance de Paris à l’encontre de la société AGENCE FEP, PANORAMIC, SFR, ONLYSPORT et FRANCE TELECOM et soutient que ces dernières ont porté atteinte à ses droits d’auteur tant patrimoniaux que moraux ;
Il fait grief à la décision déférée d’avoir considéré que ses photographies prises au cours de matchs et de compétitions sportives ne présentaient pas une originalité leur permettant de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, alors qu’il soutient comme il sera démontré ci dessous, les photographies de Monsieur T. prises lors des matchs et compétitions sportives revêtent une véritable originalité lui permettant de se prévaloir des droits d’auteur’ puisqu’il disposait du choix de l’angle de prise de vue, du cadrage, de l’éclairage, de l’action à photographier et du moment de la prise de vue ;
Il maintient qu’il a eu le choix de mettre en évidence à un instant précis une émotion ou un sentiment qui est empreint de la personnalité du photographe cette originalité devant être conférée non à quelques photographies mais à l’ensemble des photographies versées aux débats;
Conformément à l’article 6 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer à l’appui de leurs prétentions, les faits propres à les fonder ; l’article 7 ajoute que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat tandis que l’article 12 prévoit que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ;
Face aux critiques articulées par l’appelant contre la décision déférée, la cour se doit de vérifier si les photographies qui font l’objet de l’action en contrefaçon sont des uvres de l esprit susceptibles d être protégées au titre du droit d’auteur, chacune d’entre elles devant refléter l’empreinte de la personnalité de leur auteur et caractériser un processus créateur;
Cette nécessaire identification de l’oeuvre constitue l’étape préliminaire sans laquelle il n’est pas possible à la cour de poursuivre l’examen des droits dont se prévaudrait l’auteur lequel aura ensuite pour obligation de décrire un minimum d’éléments de nature à caractériser pour chaque photographie l’empreinte de sa personnalité , l’auteur ayant pour obligation de se conformer aux dispositions du code de procédure civile susvisées qui imposent au demandeur à l’action la charge d’alléguer les faits propres à fonder ses prétentions, la simple allégation que l’originalité doit être conférée non à quelques photographies sans davantage de précision mais à l’ensemble des photographies versées aux débats ne remplissant pas cette condition, l’auteur des photographies à qui appartient la charge de prouver qu’elles sont éligibles au titre du droit d’auteur ne pouvant se prévaloir d’une présomption d’originalité ;
Cette description est d’autant plus nécessaire à la discussion que l’adversaire, dans le cadre d’un débat contradictoire et conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile se doit de connaître les éléments caractéristiques essentiels que l’auteur invoque pour revendiquer des droits d’auteur ;”
(Arrêt, page 9)
L’arrêt reprend ensuite l’ensemble des détails donnés par le photographe pour justifier de la marque personnelle imprimée dans ses photographies
A ce titre toutefois, et si elle retient l’originalité certaines photographies, elle écarte par contre – et cela est inquiétant – une série de photos prises en rafale.
Le photographe contestait l’utilisation de la rafale, alors que les parties adverses démontraient à l’aide des exifs des photos que la rafale avait bien été utilisée.
La Cour se livre alors à un petit exposé sur les capacités techniques des appareils :
“/…/ qu’il apparaît en effet étonnant, comme le soutient exactement la société AGENCE FEP, que (le photographe) se passerait, à l’inverse des autres photographes sportifs, des derniers perfectionnements technologiques qui équipent les appareils photographiques numériques pour ne pas mitrailler leur cible mais pour prendre une à une des photographies alors que l’action qui se déroule sous ses yeux exige une rapidité d’exécution lors de la prise de la photographie ;
Que l’ordinateur qui équipe désormais chaque appareil photographique numérique permet le réglage automatique de l’obturateur et de la vitesse, la lumière dans un stade constituant une donnée que la technique maîtrise, de telle sorte que la prise de vue nécessite un minimum d’intervention manuelle, ce qui constitue un atout pour le photographe sportif qui souhaite éviter les réglages longs nuisibles à l’action photographique ;
(Le photographe) verse aux débats une quantité de journaux, revues et magazines dans lesquelles sont reproduites des photographies de sportifs en action ou de phases de jeu au cours de matchs de football dont il s’attribue la paternité sans que soit pour autant décrit pour chacune d’elles ce qui les caractérise et où se situe l’empreinte de la personnalité de l’auteur ; si le choix des moyens techniques incombe bien au photographe, les situations qui s’offrent à son objectif ne sont en l’espèce que de banales scènes de jeu ou d’actions footbalistiques qui sont donnés à voir depuis des décennies dans tous les magazines ou revues sportifs ; que si le photographe exerce effectivement un choix lorsqu’il zoome sur un sujet et qu il décide de déclencher son appareil photographique, la photographie prise au cours d’un match à l’insu des protagonistes n’est que le fruit du hasard qui trouve son origine dans les phases animées du jeu, dont tant la mise en uvre que le résultat échappe à la volonté du photographe qui ne fait qu’intercepter un instance fugace ; ainsi les mimiques des joueurs pris en gros plan ne révèlent pas la personnalité du photographe mais davantage celle du joueur qui manifeste sa joie, sa surprise, son désappointement ou sa colère ;
Il y a donc lieu de considérer que cet ensemble non individualisé de photographies en ce qu’il ne révèle aucune recherche personnelle du photographe sur l’angle de prise de vue, le cadrage, les contrastes, la lumière, les physionomies n’est pas éligible à la protection du droit d’auteur”
(Arrêt, page 10).
Quant aux autres photographies d’action, l’Arrêt reprend ensuite l’explication donnée par le photographe des choix opérés au moment de réaliser les images.
Il en retient certaines comme étant originales, d’autres non.
Ainsi, des photos décrites comme “des mises en scène où il s’agissait de faire ressortir une période de calme avant un match, et de faire un parallèle entre les ballons et les appareils photographiques” sont considérées comme originales, alors qu’une autre, décrite comme “un rassemblement de supporters dans un concert de fumigène rouge où il s’agissait de faire ressortir la fureur d’un groupe de supporters mélangeant joie et colère“ n’a pas été retenue comme suffisamment originale…
Allez comprendre… Il n’est donc fait que partiellement droit aux demandes du photographe à ce niveau.
– Quant aux photographies dont le sujet avait posé
Restait enfin une série de photographies dont les sujets avaient posé. A cet égard la Cour relève “qu’il ne suffit pas d’affirmer que les photographies sont originales et portent l’empreinte de la personnalité de son auteur, encore faut il indiquer précisément où se trouvent les éléments revendiqués qui justifient cette qualification, la cour n’ayant pas à se substituer aux parties dans la recherche de la preuve, puisqu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;”
(Arrêt page 12)
La Cour examine ensuite une par une les photos litigieuses concernées, et en retient à nouveau certaines, tout en rejetant les autres.
– Quant à l’indemnisation
Au titre des patrimoniaux découlant des parutions critiquées par le photographe (au-delà, donc de la seule et unique parution autorisée du fait du contrat de travail), la Cour relève que le photographe “ne rapporte pas la preuve pour chaque photographie d’autres parutions que de la première”, et dès lors en déduit qu’il n’est pas fondé à réclamer une rétribution supplémentaire.
Elle confirme donc le jugement qui déboutait le photographe au titre de ses droits patrimoniaux.
Au titre du droit moral, invoqué d’autant plus énergiquement par le photographe, que certaines photos avaient fait l’objet de recadrages et de photomontages, la Cour :
. commence par ne retenir que les photographies éligibles selon elle à la protection du droit d’auteur (donc celle qu’elle considère comme suffisamment originales
. relève ensuite que le photographe, qui fondait sa demande sur le fait que les publications avaient permis aux éditeurs “d’en tirer un profit considérable” (certaines couvertures de magazines, notamment), ne rapportait pas “la preuve d’une exploitation non-autorisée de ses œuvres, de sorte que sa demande doit être rejetée” (arrêt, page 16)
En avant-dernière page, l’arrêt contient enfin un point positif, en relevant que l’agence ainsi qu’une des sociétés défenderesse, “qui sont des professionnels de l’information et qui devaient connaître la législation sur la propriété littéraire et artistique ont manifestement foulé aux pieds le droit moral (du photographe) en s’appropriant indûment la paternité de ses photographies”, et en les condamnant au paiement d’une somme de 15.000 € pour atteinte à son droit moral. Une publication judiciaire est en outre ordonnée, publication dont les termes précis sont mentionnés par l’arrêt.
Les autres parties sont mises hors cause.
Mais au regard des importants montants sollicités par le Photographe à l’égard des différentes parties adverses le montant est dérisoire
Qu’en penser ??
– Quant aux photos prises en rafale
Il me semble que la Cour déplace le débat. Au lieu de s’interroger sur la réalité ou non de la prise en rafale, il eut fallu à mon sens s’interroger sur les choix opérés ensuite par le photographe dans sa sélection.
Il est évident que les appareils professionnels autorisent des prises en rafale à des cadences très appréciables. Mais en expliquant au juge – ce qui a j’imagine été fait – que ces rafales permettent aussi d’affiner la mise au point, et d’ensuite procéder à un choix plus précis et à un recadrage original, il me paraîtrait anormal qu’une juridiction écarte la demande du seul fait de cette prise en rafale.
Un magistrat croit-il qu’en photo aérienne, des célébrités telles que Yann Arthus-Bertrand ou Michael Poliza n’utilisent pas le mode rafale au moins sur quelques photos, pour pallier aux vibrations de l’appareil et permettre une mise au point plus précise ? Pour autant, irait-il jusqu’à contester à ces mêmes photographes un droit quelconque à la protection de leurs images ?
Le raisonnement plus précis aurait sans doute dû être d’examiner si oui ou non le photographe avait ensuite fait œuvre créatrice dans le choix des clichés retenus et de leur éventuel recadrage, quitte éventuellement à le débouter alors de sa demande si réellement il s’était contenté de produire la série complète, mais en argumentant alors pour permettre au moins de dégager un critère utilisable et cohérent.
– Quant à l’appréciation sur l’originalité
On touche ici aux limites extrêmes du pouvoir laissé aux magistrats.
Certes il faut, de jurisprudence constante, que l’œuvre soit originale pour être protégeable.
Ce point est déjà susceptible de longs débats,ce n’est pas la première fois que nous l’évoquons et j’y reviendrai bientôt pour faire part d’une argumentation très intéressante trouvée lors de l’une de mes lectures.
Mais ici, je suis consternée par la lecture des attendus des 18 pages de l’arrêt.
Entre la description que fait la Cour des photographies, une par une, et les conclusions qu’elle en tire, je ne perçois aucune logique apparente.
La notion d’originalité est déjà en tant que telle très subjective, mais nous touchons ici du doigt le surréalisme pur….
Quel enseignement en tirer ?
Pour ceux qui font de la photo sportive un enseignement majeur semble être de ne pas livrer à vos agences ou interlocuteurs des séries complètes prises en rafale. Triez, recadrez, imprimez votre personnalité dans le choix des photos retenues, car aussi longtemps qu’un tribunal estimera qu’une prise en rafale n’est qu’un procédé technique sans créativité, vous vous exposerez au même risque que celui encouru ici par le photographe
Il faudra être en mesure, en cas de litige, de démontrer pour chaque photo où se site l’empreinte de la personnalité. Ce n’est bien sûr pas la première fois que la jurisprudence penche en ce sens, loin de là.
Mais l’argumentation technique tenue quant au mode de prise en rafale est ici éloquent. Et bien entendu, gardez vos RAW !! Le jour où il vous faudra démontrer une intervention créatrice, autant pouvoir produire le fichier d’origine, pour le comparer aux photographies livrées et expliquer les choix opérés.
Je m’en vais traiter mes dossiers suivants en rafale, pour ma part.. en espérant que cela plaira au moins à mes clients.
Bonne journée à tous.
Joëlle Verbrugge
Bonjour, l’article est ardu et un peu long à décrypter, mais très intéressant, néanmoins il appelle une réflexion qui pourrait devenir un argument, au sujet des photos faites en rafale, est-ce-qu’alors un film (video) se composant de plusieurs images (à 24 images/secondes !) n’est plus jugé comme artistique sous prétexte qu’il y a une part de hasard lors de la prise de vue entre le moment ou l’opérateur démarre et arrête sa prise de vue ? Et pourtant le juge pourrait y appliquer les mêmes critères de jugement que ceux cités dans le jugement ! D’autre part, les juges sont-ils critiques d’art ?
Cela a été un argument du GNPP, lors d’un jugement devant le tribunal de St Brieuc (je crois me souvenir), lors de nos démêlés avec le fisc au sujet de la TVA à 5,5 %. et qui nous à fait gagner la partie…
Bravo et merci pour vos articles. Bonne journée
Cordialement
Jean-Louis Kléfize.
C’est dingue… je pense que la plupart des photographes d’événements peuvent se retrouver dans cette situation… les photo-reporter qui ne font “que” prendre en photo des scènes de combats, ou alors les photographes de concerts… avec des jugements comme celui de l’article, la photographie a des soucis à se faire ! 🙁
Merci pour cet article intéressant mais au contenu un peu effrayant.
Si on suit la logique de certains magistrats, les appareils devenant de plus en plus intelligents, au final plus aucune photo réalisée en numérique ne sera “originale” et donc digne de protection.
Comme indiqué dans l’article, l’éditing est un élément important et dans la plupart des cas, une bonne partie des photos d’une rafale sont éliminées pour ne garder que 2 ou 3 photos les plus marquantes de la série.
Le juge a-t-il justifié de sa qualité d’expert en la matière (photo)graphique (beaux arts, etc…) ? Non…
A t-il surtout pris le temps de se pencher sérieusement sur le dossier et peser les conséquences d’une telle décision. Apparemment non, mais ce n’est malheureusement pas la première fois que ça arrive.
Un coup grave de plus asséné aux photographes professionnels, déjà bien mis à mal par des pratiques aux limites des lois, des usages plus que litigieux, des dérives quotidiennes opérés par les “diffuseurs”, “photographes pseudo-pro”, organisateurs, médias, clients de toutes sorte pour qui notre métier est si dévalorisé que notre existence en tant que pro est niée complètement.
Dans l’arrêt ci dessus, le juge en se livrant à une analyse technique se livre-t-il pas à une analyse sur me mérite du photographe et de sa photo, sur le genre, et sur la destination ?
J’ignore ce que le photographe a dit pour défendre le caractère de ses photos, ou je ne l’ai pas compris.
Mais, en analysant les capacités, les performances de l’appareil, les situations de jeu, le juge se livre bien à une réflexion sur le mérite, le genre ce qui est contraire à l’article L112-1.
Pour ma part, je ne fais plus de photos de sport dans des stade, ou de photos de spectacle, car je considère que les organisateurs, sous prétexte d’organisation, ou de droit à l’image, en nous parquant tous dans la même zone, limitent nos possibilités de choix, le champs de notre réflexion. Mais même dans ce cas, nous pourrions décider de montrer en quoi l’extrême banalité d’une scène est réductrice, normatrice, et en faire un sujet de travail de réflexion.
Donc quels que soient le genre, la forme d’expression, le mérite et la destination, une photo peut être une oeuvre de l’esprit? Qu’y a-t-il de plus banal que le baiser de l’hôtel de ville ? qu’un enfant assis à son pupitre en salle de classe ? Combien de personne ont vu de telles scènes ? une multitude ? combien ont décidé de les photographier ? une minorité ? on nous sollicite aussi parce que nous avons la capacité de regarder les choses les plus banales avec un regard qui nous est propre.
Il me semble donc que si le juge ne se livre qu’à cette analyse de la technologie pour juger de l’originalité, il méconnaît l’article L112-1.
Enfin, si une photo est le reflet de notre personnalité, ce que je crois, elle peut être instinctive, sans que nous ayons, au moment de déclencher, une analyse construite objective que l’on saurait toujours expliquer, justifier.
je suis pour ma part toujours un peu gêner de défendre mes photos. Certaine sont tellement le reflet de ma personnalité qu’elles font références à des questions des histoires très intimes. C’est une violence que de m’obliger à expliquer mes intentions. Lorsque je défend une de mes photos, j’ai toujours l’impression d’être artificiel, et je peux avoir envie de justifier mes photos pour des raisons bien différentes à celles que j’avais, surtout lorsque je suis extrêmement gêner de livrer les clés de ma personnalité, d’expliquer à mon adversaire en quoi je peux être fragile et lui dire donc sur quel point insister pour me détruire.
Ainsi, j’ai photographié un champ de coquelicots en fleur avec en arrière plan un village et son clocher se détachant bien. Ce village est le village d’URUFFE qui fut la scène d’un crime en 1956 et a défrayé la chronique. Je ne suis pas arrivé là par hasard. Je n’ai pas choix de mettre les coquelicots en premier plan par hasard. A partir de ce village, au moment de la floraison des coquelicots, cette photo est ma propre histoire, celle de la violence de mon propre viol durant mon enfance. Cette photos est bien le reflet de ma personnalité, construite aussi à partir de cette événement de ma vie. Si je fais la photo pour des raisons personnelles, je n’ai pas envie de le crier sur les toits. Que mon client exploite ma photo pour de toute autre raison est on problème et ne me prive pas de la protection qui m’est due, puisque la destination n’altère pas la qualité de ma photo. Et c’est bien une violence que de me forcer à expliquer ma photo.
Toutes mes photos n’ont pas cette intensité personnelle, mais les gens qui me commande des photos, le font parce qu’il ont remarqué dans ma façon de regarder les choses le plus banales, une qualité qu’ils n’ont pas.
Pour ma part, lorsque je défends une photo, j’aborde rarement les questions techniques, les règles de composition, je défends mes photos à travers des considérations subjectives qui se rapportent à mes convictions, mes aspirations, mes désirs, mes instincts. Pour les photos les plus sensibles, je cherche si je peux les défendre me livrer et m’épargner des considérations d’ordre morale. C’est parfois artificiel et si je suis trop mal à l’aise alors je livre la vérité. Alors quel juge sur prononcera et contredira ce que j’écris lorsque ce que j’écris a trait à ma propre histoire ? Mais c’est effectivement une violence que de me forcer à me livrer ainsi, et parfois je peux désirer ne pas expliquer mes photos et renoncer à mon droit, à ma protection, plutôt que de me livrer.
A l’aube des JOs et de la fianle du 100m, il faut savoir que les journaux accrédités ont une superbe technique avec la pose de 10 appareils autour de la piste, pilotés à distance et rafalant pendant 10sec.
D’un point de vue photographique pas de grande difficulté à avoir THE photo (et encore car il faut les placer au bon endroit, avec les bons réglages). Par contre d’un point de vue professionnel, il est obligatoire de recourir à cette méthode pour avoir THE photo et assurer son gagne pain.
Bref, même si je trouve que la rafale c’est tricher pour obtenir THE photo je comprend la nécessité de s’en servir dans un cadre professionnel.
Bonjour
Pour définir ce qu’est l’originalité, je pense qu’il faut commencer par décortiquer ce qu’est une photographie.
Pour ma part je vois 4 composantes qui sont les suivantes :
1 le sujet. C’est lui qui declenche l’envie de l’acte photographique car il a suscité une emotion ou il constitue un témoignage que l’on a envie de transmettre, de partager, de garder, de faire durer, d’utiliser pour se souvenir
2 la lumière. Elle révèle le sujet, sans photon pas de vision , sa maitrise permet la mise en valeur du sujet
3 la technique. Longtemps confinée aux matériels de prises de vue et subsidiairement de laboratoire, elle englobe aujourd’hui les logiciels qui permettent de caractériser la production d’un photographe
4 le regard du photographe qui de manière unique et propre au parcours de celui-ci permet de créer une espèce d’alchimie qui fera la qualité et l’unicité de son travail. Le regard est aussi directement une fenêtre de l’esprit sur le monde. S’y associent les notions de cadrage et d’équilibre qui sont les composantes essentielles d’une image qui marquera le spectateur.
Je n’y voit pas autre chose qu’une démarche créative, certes épaulée par la technique comme un burin mécanique l’est pour un sculpteur, où chaque étape nécessite plus ou moins consciemment de faire des choix qui aboutiront indéniablement à une oeuvre originale et unique.