Une petite perle bien cachée
Publié le 11 décembre 2013
Bonjour à tous
La recherche de jurisprudence, en toute matière et donc également en matière photographique, est parfois directement liée à l’efficacité des moteurs de recherche des banques de données en ligne. Ceci n’est pas nouveau, mais il faut donc compter parfois sur le hasard, l’endurance et/ou la persévérance pour, fouinant un peu partout, dénicher quelques pépites.
Et ce fut le cas aujourd’hui, puisque je viens de trouver un arrêt de la Cour de Cassation dont l’enseignement est intéressant. N’ayant pas pu trouver l’arrêt d’appel et le jugement rendus auparavant, l’explication pourrait s’avérer légèrement incomplète sur le plan des faits, puisque comme souvent expliqué, la Cour de Cassation n’énonce pas toujours tous les éléments permettant de bien appréhender la situation pratique qui était à l’origine de l’affaire. Mais l’arrêt est suffisamment complet pour que je me risque à une analyse.
Les faits
Un journaliste qui s’était fait passer dans le cadre d’une enquête pour un membre des forces de l’Ordre était parvenu à se procurer une photographie relative à une affaire criminelle, laquelle n’aurait pas dû tomber entre ses mains.
Ce faisant, il avait donc commis déjà un premier délit, à savoir une escroquerie avec usage de fausse qualité de policier en mission, afin d’obtenir des preuves dans le cadre de son enquête journalistique. Par la suite, il avait publié ladite photographie et sachant ne détenir sur celle-ci aucun des droits de propriété intellectuelle, l’avait « tout simplement » créditée « D.R. », au préjudice de la photographe qui était investie de ces droits.
Il avait été poursuivi au pénal, outre l’action du Ministère public à son encontre (pour le délit d’escroquerie), deux parties civiles s’étaient constituées : d’une part, l’homme représenté sur la photographie et d’autre part la photographe qui en était l’auteur.
Il avait été condamné par la Cour d’Appel de Versailles du chef d’escroquerie, de recel de l’objet obtenu du fait de cette escroquerie (la photo en l’occurrence) et de contrefaçon (la publication avec la mention D.R. alors que « ni lui ni son employeur ne disposait d’aucun des droits patrimoniaux et moraux sur l’œuvre » (CA Versailles, 24/10/2007, cité dans l’arrêt de Cassation).
Il saisit donc la Cour de Cassation de cette affaire.
L’arrêt (Cass. crim. 18/11/2008, Pourvoi n° 07-88693)
La Cour de Cassation va toutefois rejeter le pourvoi, en considérant que l’appréciation faite par la Cour d’Appel des éléments de fait était suffisante et conforme à la loi.
Notamment, sur la question de la mention « D.R. », elle relève que comme le soulignait la Cour d’appel, une vérification simple aurait été possible, par le journaliste, pour retrouver la photographe concernée, vérification qu’il n’avait toutefois pas pris la peine de faire.
Le journaliste se défendait apparemment en invoquant le fait que la photo lui aurait été communiquée par « l’un de ses contacts professionnels avec lequel il avait des relations de confiance dans des conditions lui permettant de penser qu’il avait l’autorisation de publier le cliché » mais ceci n’avait pas convaincu la Cour d’appel. A sa suite, la Cour de Cassation a validé l’appréciation de la responsabilité du journaliste.
Qu’en retenir ?
Si le contenu de cette affaire peut être ainsi résumé assez sommairement, il faut en retenir que le journaliste (ou son employeur, mais dont ici la responsabilité n’était pas engagée puisqu’il était établi que le premier avait choisi et imposé seul les photos publiées) doivent procéder aux vérifications nécessaires pour retrouver l’auteur d’une photographie.
Il n’a pas suffi, en l’espèce, d’arguer d’une « relation professionnelle de confiance », ce qui semble évident mais méritait d’être rappelé.
Et la mention « DR » ne peut dès lors pas servir pour masquer tant le fait qu’une photo a été obtenue illégalement (recel & escroquerie en l’espèce) que le fait que l’auteur de l’image n’a pas cédé valablement ses droits.
Dont acte… et cet arrêt était décidément bien caché… et j’imagine qu’il n’est pas utile que j’explique aux lecteurs journalistes qu’il n’est pas conseillé de se faire passer pour des membres des forces de l’Ordre…
Joëlle Verbrugge
Très bonne analyse de cet arrêt de la Cour de cassation sur le droit à l’image.
Merci.. et ceci me permet de découvrir votre blog que je vais explorer sans tarder 🙂
Il n’y manque qu’un flux RSS (ou alors j’ai mal regardé et je vous prie de m’en excuser) pour ne rien perdre 🙂
En tout cas je vais découvrir cela avec le plus grand intérêt.
Joëlle Verbrugge
Merci Joëlle pour cette contribution fort intéressante.
Mais n’y a-t-il pas de solution plus pratique et plus rapide pour obtenir ce type d’information, à défaut de pratiquer “l’archéologie juridique” sur les moteurs de recherche ? …
.:caramel_mou:.
Bonjour
Ce ne sont pas les moteurs de recherche classiques, mais ceux des banques de données en ligne que nous payons (fort cher d’ailleurs) à des fins professionnelles.
La difficulté c’est qu’aucun n’a en stock TOUTES les décisions… (tous les jugements et arrêts de tous les tribunaux).
De là la difficulté….