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Attention aux accessoires !!

Bonjour

L’article d’aujourd’hui concerne la délicate question des droits d’auteur sur les éventuelles créations qui pourraient être intégrées dans un visuel.

Les faits

Une agence de communication avait, pour répondre à la commande de la société “Aéroports de Paris”, réalisé une image qui se présentait comme suit :


© Agence Piments – Bracelets création Dominique D. – SARL Dominique D.

Le créateur des deux bracelets portés par la femme figurant sur cette photographie avait alors assigné, au titre de son droit d’auteur et invoquant la contrefaçon, tant les Aéroports de Paris, annonceurs, que la société de communication.  Il avait été débouté de ses demandes en première instance, et avait interjeté appel de la décision, ce qui nous vaut l’arrêt dont il est question ce matin.

L’arrêt

Dans son arrêt du 10 février 2012, la Cour d’Appel de Paris (Pôle 5, Chambre 2, RG 10/21952), après avoir décrit le visuel concerné et rappelé les argumentations des parties ainsi que l’article L112-2 10° du CPI qui protège “les œuvres des arts appliqués, /…/ les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure”, s’attarde plus longuement sur l’originalité des bracelets.

L’originalité de modèles s’apprécie de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments le caractérisant et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement.

En effet il faut, pour déterminer si la photo représentant ces bracelets est une contrefaçon, examiner d’abord si les bracelets eux-mêmes sont protégeables.  Et à cet égard, les défenderesses soutenaient que l’inspiration des deux bracelets avait été trouvée dans des formes et motifs ethniques, ce qui priverait leur créateur de toute protection.

La Cour répond toutefois à cette question par l’affirmative et reconnaît le caractère d’oeuvre protégeable aux deux bracelets litigieux. La contrefaçon est donc retenue à l’encontre tant de l’annonceur (ADP) que de la société de communication.

L’annonceur tentait en outre d’invoquer le fait qu’il n’était pas à l’origine de la création de l’image, ayant, précisément, fait appel à une agence de communication pour réaliser sa campagne. Mais la Cour rejette cet argument, en retenant qu’il suffisait que les bracelets aient figuré sur la campagne d’affichage sans mention du nom de leur créateur et sans autorisation de reproduction pour que la contrefaçon soit avérée.

La société de communication est également condamnée,  la Cour considérant que celle-ci était “contractuellement tenue de fournir (à l’annonceur) des visuels certes pouvant être utilisés par voie de reproduction, mais après s’être assurée du respect des droits d’auteur pouvant être concernés par ce visuel, ce qui n’a pas été le cas en la présente espèce.”.

Les dommages et intérêts sont par ailleurs très substantiels, eu égard à l’importance de la campagne d’affichage concernée.

Enfin, la société de communication est condamnée à garantir l’annonceur, de telle sorte que c’est elle, au final, qui supporte la charge de cette condamnation.

Qu’en penser ?

Si sur le principe, et dès lors que la Cour reconnaît l’originalité des bracelets, il est alors logique qu’une protection leur soit accordée et que leur créateur soit indemnisé en cas de reproduction illégale, je suis par contre étonnée que, par analogie, on n’ait pas appliqué la “théorie de l’accessoire” (ou théorie “de l’arrière plan”).

Rappelez-vous les articles publiés concernant les photographies sur lesquelles figurent des bâtiments protégés. Il est actuellement admis que lorsque le bâtiment sur lequel des architectes revendiquent un droit d’auteur, ceux-ci ne sont toutefois pas admis à revendiquer un droit lorsque le bâtiment n’apparaît dans le “paysage” que de façon “accessoire au sujet traité” (voir ICI).

Si l’on ne se base que sur la proportion occupée par le sujet litigieux sur l’image, les 2 bracelets étaient donc un détail sur le visuel litigieux.

Il faut à mon sens retirer de cet arrêt qu’un autre critère doit être gardé à l’esprit : un bâtiment qui figurerait sur une vue générale ne peut logiquement pas être supprimé par le photographe (sauf éventuellement en post-traitement, mais il y a des limites !). Alors que dans le cas qui nous occupe, l’image a été créée de toutes pièces, et l’agence de communication aurait pu éviter de parer le modèle des bijoux en question, ou s’assurer de l’accord du créateur des bijoux.

Attention donc, au moment de photographier l’une ou l’autre mise en scène aux détails que vous y insérerez !   Car en l’espèce, si l’agence de communication avait elle-même fait appel à un photographe externe en lui confiant la réalisation de l’image, il y a fort à craindre qu’elle aurait appelé à son tour le photographe à la cause.

Et soyons honnêtes : cela aurait pu nous arriver à tous, car c’est bien le genre de “détails” (vestimentaire s’entend) auxquels nous n’aurions pas fait attention…  à tort, assurément.
Un photographe averti en vaut deux…  je viens donc de doubler d’un coup le nombre de mes lecteurs.

Je vous souhaite une excellente journée

 

Joëlle Verbrugge

 

7 commentaires sur cet article

    1. MDR !!! Très bonne remarque .. et se posera alors un problème de compétence territoriale des juridictions françaises et de loi applicable..

      Misère.. je ne suis pas encore en vacances, moi…

  1. Si cette application couvre tous les accessoires achetés en boutique et qui ne sont que des objets du commerce ( pas des “œuvres”) ça va rendre les photos vides .. Surprenant aussi que le côté accessoire ne joue pas..

    Maman sardine risque donc de m’attaquer pour mon modèle avec des sardines 🙁

  2. Voilà pourquoi j’insiste beaucoup sur le fait que, dans les actes de cessions de droits d’exploitation des photographies, il faut préciser que “[le photographe] ne fournit pas au Diffuseur d’autorisation de la part de personnes représentés ou de leurs ayants-droit . Il appartient donc au Diffuseur la responsabilité d’obtenir les autorisations nécessaires.”
    Surtout dans les cas d’événements d’actualité où on ne maîtrise pas le sujet et où la déontologie t’interdit de modifier une image…

  3. Ca veut dire que toutes les photos vont être faites sans vêtement et accessoires. En effet, les vêtements sont également des créations et donc protégeables.
    D’ailleurs le fait pour la télévision de diffuser des présentateurs habillés et accessoirisés (bracelet, collier) n’en fait il pas aussi des contrefacteurs ?
    TF1 va refaire de l’audimat au 20H…..

    je suis personnellement très surpris de cette décision… comme quoi le droit d’auteur doit être revisité de fond en comble….

  4. En fouillant les archives, je tombe sur cet article qui me fait poser la question suivante :
    Je suis en cours de réalisation d’une exposition mettant en scène des paires de chaussures à talons, achetées dans le commerce. Je les mets dans des situations inappropriées à leur usage, sauf pour 2 photos où il y a un modèle.
    Dois-je demander l’autorisation aux fabricants avant d’exposer ?

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