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Que pensez-vous de l’initiative décrite dans cet article ? Appel à la réflexion et à l’analyse.

Re-bonjour à tous,

Dans cet article, je souhaitais relayer un étonnement et une indignation légitimes émanant des photographes professionnels d’une ville, quelque part en France.

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Pour bien comprendre, voici le contexte général :

. A quoi sert un photographe dans la vie économique d’une ville ?

Parmi les différentes prérogatives des photographes – tous statuts confondus (auteur ou artisan) -, figure notamment la possibilité de venir en aide aux professionnels des autres secteurs lorsque ceux-ci ont besoin de visuels pour leur communication.

Ceci consiste, très logiquement, à répondre à des commandes de photographies qui permettront au client professionnel d’assurer sa propre publicité ou communication, ou aider à créer un catalogue de qualité, accessible en ligne ou sur des supports papier. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’en reparler très rapidement, sous un autre angle.

S’il est bien sûr possible et légal, pour les professionnels en mal d’images, de faire eux-mêmes leurs propres photographies (dont l’efficacité sera directement proportionnelle à leurs talents photographiques et à leur maîtrise de la technique), les choses se corsent lorsque ces professionnels font appel à des photographes amateurs.

Si les photographes non-professionnels ne sont pas rémunérés, on peut regretter que pratiquant de la sorte ils (les professionnels ET les photographes amateurs) privent des photographes professionnels d’une source de revenus.  Mais jusque là, il n’y a encore rien d’absolument illégal.

Par contre, dès qu’il y a rémunération (et MÊME si celle-ci est faite en nature : produits, prestations, etc.), on tombe dans le champ d’un travail dissimulé. En répondant à une commande de photographies, le photographe non-professionnel qui percevra en retour une  rémunération en argent ou un bien, un avantage, se rend coupable de travail dissimulé et par ailleurs de concurrence déloyale à l’égard des professionnels exerçant sous couvert d’un statut légalement déclaré, et assumant toutes les charges correspondantes.

Pour rappel, les sanctions en matière de travail non déclaré sont très lourdes, et prévues par le Code du Travail.

De son côté, le client qui fait appel à ce type de « prestataires » se rend également coupable d’une infraction.

Pour bien appréhender les aspects légaux de ce mécanisme, qui suscite souvent de vives et légitimes réactions dans le monde photographique, j’avais rédigé il y a quelques mois un article complet, que vous trouverez ici :

https://www.29biseditions.com/home/104-incitation-ou-apologie-de-travail-dissimule-que-dit-la-loi-.html

Voici le visuel descriptif de l’article :

2015-06-11 - Incitation ou apologie de travail dissimulé

Cet article avait été publié notamment en rapport avec la diffusion, sur les ondes de France Télévision, d’un sujet hautement critiqué par l’ensemble des photographes, en mars 2015. C’est la raison pour laquelle j’envisageais la question tant sous l’angle du droit du travail (qui nous occupe aujourd’hui) que sous l’angle du droit de la presse (ce qui pourrait toutefois intéresser aussi les organes de presse éventuellement désireux de relayer cette brillante idée)…

A titre exceptionnel, et puisqu’il s’agit aujourd’hui de faire œuvre de pédagogie dans le cadre d’un conflit particulier, l’éditeur de 29bis Éditions et moi-même avons décidé de laisser cet article en accès gratuit jusqu’à 17h ce 2 février 2017.

Pourquoi ce rappel ?

Pourquoi diable vous ai-je parlé de cela aujourd’hui ?

Revenons donc à la situation qui m’a été récemment exposée :

Imaginez une ville dont la municipalité aurait décidé de financer une société commerciale tierce.

Et imaginez que cette société ait, précisément, pour activité de proposer aux internautes,  “une nouvelle façon de faire son shopping en ville” en incitant tous les internautes (sans aucune exigence de montrer patte blanche – c’est-à-dire de démontrer qu’ils sont bien professionnels) à postuler pour ensuite accepter des “missions” contre une rémunération:

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De son côté, la Ville – manifestement peu désireuse de préserver l’activité des photographes (qui, pourtant, sont plusieurs à s’être installés sur son territoire) – vote en conseil municipal courant décembre (cadeau de Noël, sans doute, pour les professionnels établis sur son territoire) une résolution dont voici quelques extraits (j’ai bien sûr eu accès au PV complet) :

« /…./expose que dressant le constat de l’existence de nouveaux modes de consommation, de la qualité de son patrimoine local et de la nécessité de renforcer les circuits courts, la Commune de /…./ propose depuis /…/ une plateforme numérique à disposition des commerçants, artisans, prestataires de services et restaurateurs /…./.

Ce dispositif, appelé /…./, répond à des enjeux de dynamisation de la cité, mais également à des enjeux partagés entre la commune, les commerçants et les (habitants) :
– l’environnement, avec la possibilité d’acheter localement
– la promotion des établissements (de la ville) avec une simplification à l’information
– l’accessibilité aux produits avec la vente en ligne et la livraison
– l’évolution de la relation client-commerçant”

Après cet exposé, le conseil municipal alloua une enveloppe financière (environ 7000 €) à la société en question, pendant qu’une aide européenne est sollicitée d’autre part.
(Extrait d’une délibération du Conseil municipal concerné en décembre 2016 – Décision prise “à l’unanimité” précise le PV)

Pour aboutir à ces buts – qui en eux-mêmes sont louables : favoriser le « circuit court », inciter les habitants à faire appel aux commerçants et prestataires locaux -, rien ne choque pourtant la ville dans l’idée de faire totalement abstraction de certains des professionnels établis sur le même territoire, en incitant tous les habitants à exercer une activité rémunérée, potentiellement habituelle et bien organisée, qui permettra dans le même temps aux commerçants s’affranchir des services des professionnels de la photo. Je précise que la décision a été prise, si l’on en croit le PV de séance, à l’unanimité…

Ainsi, un financement est octroyé par la ville concernée (un peu moins de 7000€), au profit de la structure qui a mis en place le site Internet en question (et il s’agit bien d’une société commerciale, qui par ailleurs n’est pas, quant à elle, établie dans la ville concernée mais dans une grande ville à proximité). Il me revient que cette même structure commerciale démarche à présent une autre plus grande ville, à 300 km de son lieu d’implantation. Puissent les dirigeants de cette grande ville être un peu plus attentifs à certaines réalités légales !!!

Enfin, et ce point précis n’a pu être vérifié donc je le mets au conditionnel, bien qu’il soit plus que vraisemblable : la société commerciale est rémunérée également en pourcentage sur les ventes effectuées par les commerçants. J’ignore le montant précis de la commission (on me parle de 10%) ainsi que la base sur laquelle elle sera calculée (toutes les ventes des commerçants sans pouvoir déterminer lesquelles sont dues à la publicité ainsi réalisée ?).

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Que pensez-vous, de votre côté, d’un « circuit court » dans lequel pour inciter à acheter localement, une Ville fait également l’impasse sur une catégorie de professionnels (pourtant présents dans le secteur), en préférant inciter au travail dissimulé puisque rémunéré par une contrevaleur en bons d’achat ? (4 boutiques photographiées = 100 de bon d’achats).

Je vous invite à faire part de vos commentaire sous cet article et à relayer autour de vous.

Et pour permettre à chacun (y compris les juristes de cette éminente administration locale ?) de se faire une idée plus précise sur le plan strictement juridique, vous aurez donc accès jusqu’à ce soir 20h à l’article complet.

Merci à l’éditeur de mes articles, pour ce geste pédagogique.

PAR ICI pour une analyse approfondie.

Et ci-dessous pour vos commentaires..

                             Joëlle Verbrugge

10 commentaires sur cet article

  1. Effarant mais je ne suis malheureusement pas (plus) surpris…
    Sans pouvoir rentrer dans les détails, désormais photographe pour une collectivité je constate des dérives sur l’application des droits d’auteurs qui me sidèrent, et même avec les bons articles du CPI il semble très difficile d’obtenir gain de cause tellement la pression politique est forte sur la chaîne hiérarchique, au détriment du respect de la loi même …

  2. Merci Joëlle, évidemment tout ceci est honteux (sidérant, aberrant…/…) mais tellement récurrent. L’avocat ou conseiller juridique de cette administration a du trouver (…interpréter la loi…) une possible faille rhétorique, qui permettra le cas échéant,de se disculper à moindre coût.

  3. Bonjour,

    Cet article me fait penser au marques (particulièrement de produits cosmétiques) qui en échange des produits de beauté ou autres propose à des blogueurs de faire des test et de mettre en ligne un article ou une vidéo ventant ses produits.
    J’imagine que dans certains cas il y a des contrats en bonne en bonne et du forme, mais je pense (et j’ai confirmation par une connaissance) que la plupart du temps ce sont des rémunération en nature (produits de la marque) et qu’il n’y a pas de contrat et que la plupart des blogger sont sans statut légaux.
    La pratique devient de plus en plus scandaleuse quelque soit le milieu, tout est bon pour dépenser moins, profiter des gens en leur promettant notoriété et compagnie et de forger sa campagne publicitaire à moindre coup quitte à être dans l’illégalité, de toute façon, ils ne risquent apparement pas grand chose!

  4. Bonjour,
    Pour ma part je trouve la démarche de cette commune et de cette société parfaitement scandaleuse, vis à vis des photographes professionnels mais aussi vis à vis des pourvoyeurs d’images sollicités, en plus donc d’être illégale. Cette démarche ne pouvant être, en plus, que complètement improductive en matière de communication pour les commerces, en considérant la qualité, certainement médiocre à tous points de vue, et le foisonnement des images qui vont en résulter.
    Les photographes non professionnels ont leur part de responsabilité, qui proposent des prestations au rabais, au noir, à des clients crédules qui pensent faire une bonne affaire par exemple, en payant à bas prix cinq cents photos de mariage totalement médiocres en vrac sur un DVD, ou dix euros un portrait vite fait dans un studio entre le canapé et la télévision.
    Pour ma part j’ai choisi un statut professionnel d’auteur, alors que je ne vis pas de la photo, notamment justement pour inscrire mes projets dans une démarche éthique respectant les prérogatives des artisans photographes, vers qui j’envoie régulièrement les personnes qui me sollicitent pour des portraits ou autre : la photographie sociale ou d’entreprise, c’est un métier, et personne ne sera mieux servi que par un professionnel formé à son art.
    Ces questions d’éthique posant des problèmes pas forcément simples au photographe passionné : par exemple, donner des photos de concert à un groupe d’artistes professionnels, que l’on a faites pour le plaisir, sous condition qu’il n’y ait pas d’utilisation commerciale des images, est-ce porter atteinte à la profession ?
    Ceci dit je suis toujours sidéré, donc, par les personnes qui ne se posent jamais la question de cette concurrence déloyale, mais également par les organismes qui s’assoient sur le droit.
    Je pense à une association fiancée par une communauté de communes, supposée promouvoir la photographie et former des photographes, qui un jour a lancé un appel à candidats pour être modèle dans le cadre d’un projet financé par la communauté de communes, mené par un photographe professionnel … en précisant que les modèles ne seraient pas rémunérés pour les deux séances de pose de deux ou trois heures.
    Bref …
    Je dirais qu’il y a derrière cette question du marché de la photographie, des questions de comportements certainement liées à des questions plus profondes, de société.

  5. Bonjour,

    Bien entendu cette initiative est lamentable, mais le pire c’est que la municipalité en question ne pensait certainement pas à mal.
    Ce n’est pas une raison, nul n’est censé ignorer la loi, certes.
    Je pense pour ma part que les vrais responsables sont les intermédiaires (l’agence de com qui va grandement profiter de la mesure en récupérant un pourcentage sur les ventes sans avoir rien fait, si ce n’est un site internet, pour lequel, en plus, elle a perçu de l’argent de la part de la municipalité).

    La vrai difficulté (dans ce cas, comme dans le cas des photographes du reportage télévisé) c’est d’arriver à faire comprendre à ces gens qu’ils se font tout simplement avoir.
    Ce qui paraît compliqué dans la mesure où le simple fait d’avoir plus de “followers” compte (pour ceux du reportage télé), ou d’avoir quelques chèques de réduction (pour ceux concernés par cet article).

    L’autre point, c’est aussi celui d’une baisse généralisée de la qualité. On est de plus en plus habitué à “bouffer” (pardonnez-moi l’expression) de l’image avec filtre automatique de tel ou tel application. Peu importe les notions de cadrages, de composition ou de sens. Et c’est sans doute le plus dommage.

    C’est pourquoi, en ce qui nous concerne, il faut continuer sans cesse à travailler toujours plus nos images. C’est à nous de faire la différence.

  6. Pas surpris !
    Celà fait des années que le conflit Pro/Amateur
    existe … et çà ne touche pas que la photo me semble t’il .
    Nous connaissons tous un ” bon bricoleur” ,un “bon tonton photo ”
    un “bon maçon ” un ” bon cuisinier ” etc …etc …
    Et si en plus tu as un “bon comptable ” ” un bon avocat”
    et un ” bon député ” sous la manche tu es le roi du pétrole !

    Pour revenir à notre sujet la photographie, on compte plus
    les nombreux concours photo pour “amateurs ” qui doivent
    baisser leurs pantalons ou jupes en oubliant leurs droits d’auteurs !
    La carrote étant de faire miroiter ” gloire et beauté ” au futur candidat pigeon !
    Donc après avoir validé le ” contrat du jeux” … Bienvenue chez les gogo !!!
    Tu as juste oublié un détail écrit tout petit ” cession des droits d’auteur ” donc pas de signature !!! ADIEU GLOIRE ET BEAUTÉ
    Bon c’est bien tu as participé et tu es fier d’avoir gagné le grand concours
    photo organisé par l’office de tourisme de ta belle région … mouhaahaaa
    Un OT étant quand même une structure officielle celà fait désordre ce pillage d’images au dépend des participants et des Pro qui ont des stocks de belles images0 qui hélas ne se mangent pas !!!

  7. Je ne parlerais pas tout de suite de honte…
    En tant qu’entrepreneur, je comprends que l’entreprise commerciale ait pu avoir cette idée. Il n’est pas à sa charge de se soucier des autres secteurs d’activité (je me fais l’avocat du diable), et le format parrait intéressant du côté des “photographe smartphone” comme de celui des commerçant.

    Personnellement je n’aurai jamais eu l’idée, si j’avais cette entreprise, de demander à la localité de me subventionner. C’est un peu exagéré à mon goût. Enfin, pourquoi les politiques de cette localité acceptent cette aide ? Pour dynamiser l’économie locale, certainement face aux achats internet etc…

    L’idée entrepreneuriale est donc bonne, l’intention des politiques pas mauvaise (même si perso je ne leur aurai pas donné un radis, il y a peut etre eu du chantage), les clients sont contents, et les commerçants…allez savoir s’ils y trouvent leur compte.

    Quant aux photographes (dont je fait partie), évidemment ça fait râler, mais bon, s’ils estiment que n’importe quel amateur peut faire le job, pourquoi pas ? A nous de faire du meilleur job et de montrer la différence.

    En fait la question est toujours à cerner globalement et avec recul:

    Nous payons plus de charges, et avons d’autres frais dus au statut professionnel…?
    Il est vrai. Difficile d’être compétitif. Et si j’y allais moi-même avec mon smartphone et faisais de meilleurs photos que les autres, avec mon oeil aguerri ? Et bien ce serait peu me respecter. Mais qui m’a éduquer à ce respect de moi-même et de mes pairs ?…

    Les politiques ont accepté d’aider l’entreprise commerciale…
    Grossière erreur de mon point de vue. Peut-être sont-ils acculés par la question “Comment relancer notre économie locale ?” et jouent des opportunités qui se présentent à eux… Du coup favoriser une entreprise privée avec un nouveau concept plutôt que de jouer sur les bonnes vieilles recettes…qui apparemment n’aident pas.

    Le fonctionnement de l’entreprise, est entrepreneurial. Aujourd’hui tout nouveau concept est bon pour faire de l’argent. On se place là où il y a de la place… Je ne dis pas que c’est bien, c’est criticable même souvent, mais c’est un fait de société.

    Globalement pour moi, on est face à un fonctionnement global défayant.
    Les petits commerçants sont bien plus chère qu’internet et pas toujours beaucoup plus serviables,
    nos appareils photos n’ont pas la légèreté/polyvalence et connexion wifi des smartphone,
    les applis et interconnexions permettent de renouer avec une création de contenues redonnées à la pluralité plutot qu’à une unité
    les politiques, ni les commerçants, ni nous autres, ne savent comment réagir et parent au plus pressé
    l’entreprise commerciale elle n’a aucune éthique à suivre, elle ne fait pas partie d’un corp sde métier mais est là pour générer un bénéfice.

    Alors je ne connais pas le cadre légal dans ce cas, mais globalement, il faut faire preuve d’adaptabilité à un moment où les lignes bougent très vite. Je ne suis pas non plus pour freiner la nouveauté. Si elle existe c’est qu’elle trouve sa place. Seule l’éducation et le recul permettront de mieux discerner le bon du mauvais.

    Enfin, c’est une réflexion globale à avoir. Tout comme les taxis se sont fait bouffé par UBER aussi parce qu’ils s’étaient reposés sur leurs lauriers, au tour des autres profession de se faire remettre en question par l’entrepreneuriat galopant. Demain sera différent d’aujourd’hui. J’espère juste qu’on n’aura pas perdu tout bon sens humain et éthique.

    Enfin mon point de vue ?
    Je n’aime pas les entreprises qui se mettent à faire quoi que ce soit parce qu’il y a de l’argent à faire, alors qu’elles ne connaissent rien au métier… Il y a une perte de sens. Mais si le client n’y voit que du feu, il y investira. Il faut donc éduquer au sens !

    Qui de vous achète du faut cuir, du IKEA, des steaks hachés bas de gamme, des tomates en hiver, des pommes chiliennes ?….

    Si oui, vous aussi vous avez permis l’installation de fonctionnements perdant du sens, alors ne vous étonnez pas que la balle reviennent d’un autre côté.

    Je ne jette la pierre à personne, c’est un fait de société mondial. Et maintenant, comment fait-on preuve de créativité pour aller vers du mieux plutôt que de juste essayer de faire perdurer ce qui auparavant existait ?

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