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“D.R.” … encore et toujours… !

Bonjour

A l’heure où les instances représentatives des photographes re-partent au combat – et à juste titre bien sûr ! – contre la publication de photos avec mention du fameux “D.R.” (voir ci-dessous pour l’explication), j’ouvrais hier “La Semaine du Pays Basque”, où l’une de mes photos aériennes devait être publiée suite à un rassemblement de paramoteurs.

Après avoir constaté un recadrage sauvage de mon cliché (je reviendrai bientôt, je crois, pour un petit article sur la notion du droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre …!) je continue à parcourir le journal, et surprise : 3 photos aériennes (pas les miennes celles-là) de la Côte Basque, à l’aplomb d’Anglet (64), avec mention “D.R.”… je ne me suis pas amusée à parcourir tout le journal, mais j’imagine qu’il y en avait d’autres…

Ceci m’amène donc à vous proposer un petit article pour rappeler les conditions dans lesquelles cette fameuse mention “D.R.” a été créée, afin que chacun puisse apprécier l’importance des abus commis.

– Une question souvent posée

Dans le cadre de ce blog, j’ai reçu déjà à quelques reprises des mails du genre de celui-ci, dont l’auteur m’a donné l’autorisation de reproduire sa question :

 “Je possède un fond de plusieurs centaines de tirages photographiques représentant des évènements qui ont eu lieu en Europe en 1918-1919. Auteur parfaitement inconnu, ces images ont été “oubliées” par quelqu’un chez ma grand-mère à l’époque. La plupart des tirages portent au dos un tampon “Etats Unis d’Amérique”, sans plus de précision. Peut-être un photographe militaire ? Puis-je disposer de ces tirages pour les revendre par exemple ou les doner à un musée ? et mes acheteurs pourront-ils disposer des images ? Il est dommage qu’elles dorment dans un placard. Votre avis me serait précieux”

J’ai donc, pour cet interlocuteur, demandé qu’il me transmette l’une ou l’autre de ces photos après les avoir scannées, et voici ce que je reçois : une photo représentant le Maréchal Pétain prise lors d’une fête de la victoire à Metz et qui porte, au dos, le cachet “Etats-Unis d’Amérique”.

L’internaute qui me transmet ces clichés m’indique qu’il est en possession de 527 clichés du même genre

Dans ce cas PRECIS, et dans ce cas uniquement, la publication par l’internaute qui m’a posé la question des photos en question me parait possible avec la mention “D.R.”…

Ce type de clichés est l’exemple même de la situation pour laquelle la mention “D.R.” a été créée à l’origine nous allons le voir.

– Rappel de l’historique

A l’issue des deux grands conflits mondiaux qui ont secoué le 20ème siècle, une importante série de photographies sont restées orphelines, leurs auteurs étant soit des soldats morts au combat (et pas toujours identifiés), soit même des civils ayant approché les conflits de plus près et n’ayant malheureusement pas survécu – ou à tout le moins n’ayant pas souhaité se faire connaître comme les auteurs de ces clichés.

La valeur historique de ces photographies restait malgré tout considérable, et il fallut à ce moment trouver un moyen de diffuser ces clichés, dans un but pédagogique et/ou documentaire, et ce malgré que leurs auteurs restaient inconnus.

Le Code de la Propriété intellectuelle (et avant lui, les règles anciennes promulguées en la matière) imposaient bien sûr de mentionner à tout le moins l’auteur des clichés, sans parler même de la rémunération de ceux-ci..

Que faire, donc, lorsque que ces auteurs étaient REELLEMENT inconnus, ou disparus sans avoir fait connaître leurs héritiers ?

La mention “D.R.” (pour “Droits Réservés”) fut alors apposée à côté de ce type de clichés.

Il était prévu au surplus que les rémunérations à verser aux auteurs devaient être consignées sur un compte bloqué pendant une durée de 10 ans, après quoi seulement, à défaut de manifestation de l’auteur ou de ses héritiers, les fonds pourraient être récupérés par l’éditeur…

Mais en toute logique, et eu égard au contexte et à la finalité de la création de cette mention, elle doit bien entendu rester une exception, la règle étant l’obligation d’indiquer le nom de l’auteur (art. L 121-1 et suivants du CPI).

Rappelons également que les droits moraux de l’auteur sont inaliénables, perpétuels et imprescriptibles (Art. L 121-1 du CPI).

– Situation actuelle

A l’heure actuelle malheureusement, il ne se passe sans doute pas une journée sans qu’un grand quotidien ou un hebdomadaire régional ou local se sente autorisé à publier des photographies avec la mention “D.R.” sans que derrière n’ait eu lieu, dans la majorité des cas, de réelles recherches sur l’auteur des clichés..

Les photographes s’indignent régulièrement de ces pratiques, des actions de mobilisation sont imaginées, mais à ce jour, il semble difficile de lutter contre cette pratique de plus en plus répandue, et l’on attend avec impatience qu’une solution législative puisse être trouvée pour lutter contre ce phénomène.

Et nos instances représentatives travaillent sur la question depuis de longues années, de telle sorte que j’ai bon espoir que cela puisse progresser un jour ou l’autre.

Au final, je vous suggère l’écoute d’une très intéressante conférence qui a été mise en ligne en MP3 à cette adresse.

Une très intéressante table ronde dont je vous recommande l’écoute : c’est long mais intéressant et bien argumenté du début à la fin…

Vous entendrez également pourquoi, juridiquement, la mention “libre de droit” est constitutive d’un DELIT en France ! Certains pourraient avoir intérêt à écouter cette conférence jusqu’à la connaître par coeur ! Merci donc aux participants de cette table ronde.

Ecoutez également jusqu’à la fin… les dernières minutes contiennent quelques développements intéressants sur les « Creative Commons », peut-être de nature à calmer les esprits des commentateurs de l’article « Hasta Siempre » : la question est également délicate, et ne doit pas être traitée pour la photographie comme elle l’est pour d’autres créations, chaque forme d’expression ayant ses spécificités propres… je vous encourage à écouter l’ensemble, donc, pour peut-être mieux cerner les raisons qui amènent à une réflexion plus en profondeur..

Toujours sur la question des « D.R. » surveillez également de très près le site de l’UPP (ex-UPC), qui vient d’annoncer officiellement le dépôt de la proposition de loi visant précisément à réglementer cette matière. Proposition dont l’évolution sera donc à suivre de très près… bravo à eux pour le travail réalisé pour aboutir à cette proposition.

Un problème à suivre de près… car nous n’avons pas fini de voir nos droits bafoués par l’utilisation abusive de cette mention…

 

Joëlle Verbrugge

6 commentaires sur cet article

  1. Commentaire laissé par Hoferic le 1/6/2010

    bonsoir joêlle,

    Suite à la lecture très intéréssante de ton article ,une question met venu à l’esprit concernant la possession de prises de vues (historiques) ..En effet un amis et collegue detient avec précaution des positifs en verre en exellent état, alors que vaut-il ?.

    à très vite joêlle…..hoferic…….

    1. Ah bonsoir.. ravie de voir que tu as de saines lectures..

      Pour ta question ça dépend surtout de ce qu’il y a sur ce positif…. dès que tu auras précisé j’y verrai plus clair 😉

  2. Commentaire laissé par Daniel Hèm le 19/10/2010

    Bonsoir
    Je viens seulement de lire votre article concernant cette mention DR que je ne connaissais pas.
    Il est vrai que je lis peu la presse écrite (les quotidiens régionaux, par exemple)…
    Le sort qui a été réservé à votre photo est un exemple particulièrement flagrant d’abus, de mauvaise foi,e t pour simplifier, de vol de votre propriété.
    Je sais que vosu êtes bien placée pour défendre ces droits, j’espère que vous parviendrez à remettre bon ordre à cette situation illégale et immorale.
    Que cette mention existe ne doit pas pousser les média à en abuser au détriment de la loi et au préjudice des auteurs.

    J’attends la parution de votre livre !

    Je vous souhaite une bonne soirée et – toujours – de belles photos.
    Daniel Hèm

  3. Commentaire laissé par Shiroiusagi le 19/3/2011

    Bonjour,

    Je viens de découvrir ce terme, DR, que je ne connaissais pas… Avec des amis on voudrait créer un webzine sur le Japon. Alors je me suis demandée “Où est-ce que les magazines français traitant sur ce sujet se procurent leurs photos ?” J’ouvre un magazine et sur presque toutes les pages je vois marqué DR (en même temps c’est toujours mieux que le journal pour lequel je suis pigiste qui ne met pas les noms des photographes et je n’ose même pas dire combien ils achètent la photo). Je me suis donc renseignée et je suis tombée sur votre article très intéressant.

    Peut-être pourriez-vous m’aider ? Lorsqu’on souhaite créer un webzine amateur et gratuit, et que se procurer les photos est un travail laborieux voir qu’il est presque impossible d’en connaître les auteurs, est-ce qu’on peut utiliser la mention DR (uniquement sur les photos dont l’auteur est inconnu).

    Encore une question. Imaginons que je sais que l’auteur de la photo est tel site ou tel label musical, est-ce que je peux utiliser cette photo en mettant leur nom sans leur demander (car, en effet, je ne maîtrise pas le japonais). Une pochette de CD par exemple ?

    Merci beaucoup !

    1. Bonjour

      Réponses en bleu ci-dessous :

      Lorsqu’on souhaite créer un webzine amateur et gratuit, et que se procurer les photos est un travail laborieux voir qu’il est presque impossible d’en connaître
      les auteurs, est-ce qu’on peut utiliser la mention DR (uniquement sur les photos dont l’auteur est inconnu).

      En principe non.. ou alors il faut pouvoir démontrer avoir effectué de réelles recherches et, toujours en principe, provisionner sur un compte les montants qui pourraient être réclamés par l’auteur du cliché…
      Les moyens techniques ne manquent pas pour chercher l’auteur. Regardez par ex les champs IPTC des photos, il est parfois renseigné

      Ou utilisez l’outil dont je parlais dans cet article : http://droit-et-photographie.over-blog.com/article-la-technique-pour-lutter-contre-les-photos-volees-58815488.html

      Ce n’est pas fiable à 100% mais parfois ça aide

      Encore une question. Imaginons que je sais que l’auteur de la photo est tel site ou tel label musical, est-ce que je peux utiliser cette photo en mettant leur nom sans leur demander (car, en
      effet, je ne maîtrise pas le japonais). Une pochette de CD par exemple ?

      Toujours même réponse : non en principe
      Et quand vous connaissez l’auteur, rien ne vous empêche de lui écrire en anglais !

    2. Merci beaucoup pour ces réponses !! (Oui je peux écrire enn anglais mais je ne trouve pas le lien du mail car tout est écrit en japonais… Je vais continuer à chercher alors !)

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