De la nécessité d’une bonne preuve
Publié le 15 octobre 2010
Bonjour,
Quelques mots pour terminer la semaine sur un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 2 juillet 2010, en matière de contrefaçon (CA Paris, 2/7/2010, RG 09/12.757)
Le litige ne concernait pas la photographie, mais l’arrêt est malgré tout transposable, et doit attirer notre attention.
Il s’agissait d’un litige entre deux sociétés commerciales, l’une reprochant à l’autre (entre autres arguments) d’avoir contrefait une marque de bijoux.
A l’appui de sa demande, et au titre de preuve, la plaignante déposait différentes pièces :
. des captures d’écran réalisées sur le site de la partie adverse, et matérialisées par 5 feuillets non datés
. une impression des pages du site, datée elle du 21 septembre 2007
. et enfin un “constat” établi par l’intermédiaire du site www.archive.org, un site dont l’objet est, selon les mentions qui figurent sur sa page d’accueil de fournir une banque de données “de tous les sites internet sous forme numérique, de façon à fournir un accès aux chercheurs, historiens, écoliers et public en général”
Les deux premières preuves, non datées de façon suffisamment certaine, furent écartées par le juge.
Quant au “constat” produit, la Cour lui a contesté toute force probante, en relevant d’une part que cette ressource n’était pas prévue pour une utilisation légale, et, d’autre part, que les précautions techniques qui sont imposées aux huissiers au moment d’établir leur constat n’avaient pas été respectées.
Rappelez-vous en effet, les présupposés techniques que l’huissier devait vérifier, et dont me parlait Me Noël dans l’interview que j’avais faite de lui.
Ces éléments sont, techniquement, indispensables pour que le constat soit retenu comme preuve par les juridictions françaises.
En conséquence, les informations que je donnais il y a quelques mois sur l’utilité de procéder, en cas de litige – et surtout lorsque ces litiges représentent pour les auteurs un enjeu financier important – à un VRAI constat, fait par un huissier inscrit sur le territoire français, restent totalement d’actualité.
Et surtout, veillez à procéder à ce constat AVANT toute mise en demeure, même par mail, à la partie adverse.. Dans le cas contraire, si le contrefacteur retire la photo du site, vous ne pourrez quasiment plus rien démontrer aux yeux des juridictions.
Bon WE à tous.
Joëlle Verbrugge
Commentaire laissé par Olivier le 15/10/2010
Bonsoir Joëlle
J’ai préparé un article pour le Mag de décembre 2010 de Shooting et la principale preuve acceptée par les tribunaux, aprés mes lectures, reste le dépot de l’oeuvre auprés d’une Homme de lois (Huissier ou Avocat) mais également déposer dans le même temps la preuve que l’on a la paternité de l’oeuvre…si je me trompe. Les autres “systémes” à la débrouille sont assez souvent rejetés…
Bon week end à toi
Olivier
Bonsoir
Attention, ne pas confondre deux choses..
Le “dépôt” dont tu parles est celui qu’envisagent certains pour démontreur leur droit de paternité sur les oeuvres… là plusieurs solutions (enveloppe Soleau, dépôt INPI, dépôt huissier ou recommandé à soi-même..). Aucune n’est obligatoire, toutes sont utiles parfois, et plus ou moins chères selon les cas.
Le constat d’huissier dont je parle est par contre envisagé dans le cas d’une contrefaçon.. pour prouver non plus notre qualité d’auteur, mais bien la contrefaçon elle-même…
Deux étapes différentes donc…
Joëlle Verbrugge
Commentaire laissé par Cathy B. le 16/10/2010
Bonjour Joëlle,
Merci pour ce rappel: j’ai fait l’erreur de contacter un quotidien qui avait repris l’un de mes articles dans sa version en ligne sans faire de constat d’huissier avant. Ils ont retiré l’article. Toutefois, l’article plagié figurait toujours dans le cache google. Je me suis entretenue avec un site qui fait des constats d’huissier en ligne, qui m’a confirmé que la capture du cache google constituait une preuve du plagiat tout à fait recevable. Inutile de préciser que dans ce cas, il faut réagir très vite, car le cache google peut changer à tout moment.
Commentaire laissé par Fabien le 20/3/2011
Bonsoir Joëlle,
Avant tou, mille merci pour ces articles aussi intéressants que pratiques… deux questions:
– est ce que tu penses que la mise en place d’un système de capture en ligne (automatique) puisse à terme fournir des constats ayant une quelconque valeur légale?
– pour prouver la paternité d’une photo, est-ce que la possession de photos “soeur” (photo prises lors de la même série) ou de possession d’une version mieux définie ou non cropée de la photo “volée” peuvent suffire à établir la parternité de l’oeuvre?
encore merci pour tout ce que tu fais!
Bonjour
Pour la première question la réponse est assurément négative..
Pour la seconde par contre oui, la possession des photos de la série complète peut sans aucun doute aider (voir mon article en 2 parties dans les n° 14 et 15 de “Compétence photo”.
Bon dimanche
Joëlle