Actualités

Droits d’auteur et Pôle Emploi : l’impossible entente ?

Bonjour à tous,

Un petit billet rapide aujourd’hui sur une question que se posent, semble-t-il, pas mal de photographes et qui peut se résumer comme suit :

“Le Pôle Emploie est-il en droit de réduire ou de supprimer mes allocations-chômage en raison de droits d’auteur perçus sur les cessions de droits relatifs à mes photographies?”

– Siège de la matière et apparition des difficultés

Les règles légales figuraient à l’origine dans une Ordonnance n° 2003-1059 du 6 novembre 2003, “relative aux mesures de simplification pour les emplois du spectacle“.

Les dispositions de cette ordonnance ont depuis lors été intégrées pour certaines dans le Code de la Sécurité sociale, pour d’autres dans le Code du Travail, de telle sorte qu’en fait de “simplification”, c’est aujourd’hui à un petit jeu de piste qu’il faut se livrer pour retrouver les dispositions en question, surtout sachant que certaines d’entre elles ont été depuis lors abrogées.

Pour faire simple, et parmi l’ensemble des dispositions ainsi intégrées dans chacun de ces codes, furent précisées certaines questions relatives à la sécurité sociale de certains artistes.

Du 1er janvier 2004 au 15 février 2008, figurait dans ces règles la possibilité pour les Assedic d’avoir accès aux informations détenues par les organismes de sécurité sociale de ces mêmes artistes.

La disposition (article L 351-21 du Code du Travail alors en vigueur) était rédigée comme suit :

” Les informations détenues par les organismes de sécurité sociale peuvent être rapprochées de celles détenues par les organismes mentionnés au présent article pour la vérification du versement des contributions mentionnées à l’article L. 351-3 et la vérification des droits des salariés au revenu de remplacement prévu à l’article L. 351-2.

Pour procéder aux vérifications mentionnées à l’alinéa précédent, les informations détenues par la caisse de congés des professions de la production cinématographique et audiovisuelle et des spectacles ainsi que par les institutions des régimes complémentaires de retraite de ces professions peuvent être rapprochées de celles détenues par les institutions gestionnaires du régime d’assurance. Pour procéder à la vérification du versement des contributions et des droits des salariés, la caisse de congé des professions de la production cinématographique et audiovisuelle et des spectacles et les institutions des régimes complémentaires de retraite de ces professions peuvent rapprocher les informations qu’elles détiennent de celles détenues par les institutions gestionnaires du régime d’assurance.”

Tel que rédigé, cet article semblait ne viser que “les professions de la production cinématographique et audiovisuelle et des spectacles“. Malgré cela,  il semble que certaines Assedic en aient déduit un peu rapidement que les rémunérations retirées par les photographes au titre de leurs cessions de droit devaient être prises en considération pour éventuellement diminuer ou supprimer leurs allocations de chômage.

Ce fut en tout cas le sens et l’objet d’une Circulaire n° 04-06 prise par l’Unedic en date du 18 février 2004 qui prévoyait, en ce qui concerne les droits d’auteur :

“Titulaire d’un droit patrimonial sur son oeuvre, l’auteur a un droit d’exploitation de son oeuvre. Ce droit d’exploitation comprend le droit de représentation et le droit de reproduction (article L. 122-1 du code susvisé). La représentation consiste en la communication de l’oeuvre au public.

La reproduction consiste en sa fixation matérielle en vue de sa communication au public. Les droits de représentation et de reproduction sont cessibles à titre onéreux ou gratuits (article L. 122-7 du code susvisé). La cession de son droit d’exploitation par l’auteur peut s’effectuer dans le cadre d’un contrat de représentation, d’édition et de production audiovisuelle.

En contrepartie de cette cession, l’auteur bénéficie obligatoirement d’une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. Dans certains cas, la rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement (article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle).

Les sommes perçues en contrepartie de cette cession ont une incidence sur les allocations d’assurance chômage lorsqu’elles résultent d’un contrat de cession du droit patrimonial sur l’oeuvre postérieur à l’admission :

– si le contrat de cession a été conclu antérieurement à la période d’indemnisation, les sommes perçues à ce titre sont sans incidence sur le versement des prestations de chômage.

– si le contrat de cession a été conclu postérieurement à l’admission à l’allocation d’aide au retour à l’emploi, les sommes perçues au titre de la cession d’exploitation des droits d’auteur doivent être prises en compte pour le calcul des conditions de cumul de l’ARE et des revenus d’activité. A cet effet, il est déterminé un nombre de jours non indemnisables au cours du mois civil considéré (décalage) selon les modalités prévues au point 2.2.2 de la Circulaire n° 01-10 du 21 novembre 2001. Si le nombre entier de jours non indemnisables excède un mois, le décalage est reporté sur le ou les mois suivants dans le cadre de la durée d’indemnisation fixée par l’admission.

(Circulaire n° 04-06 de l’Unedic en date du 18/2/2004)

Sans rentrer dans les détails, les perceptions de sommes au titre de la cession de vos droits d’auteur sur des photographies (d’autres secteurs étant bien entendu aussi concernés) avait une incidence sur vos droits aux allocations chômage.

– Volte-face de l’Unedic : état actuel de la question

Quelques semaines à peine après la circulaire n° 04-06, l’Unedic fit volte face dans une Circulaire n° 04-07, du 31 mars 2004, se référant à une instruction des Pouvoirs Public selon laquelle “la nature de ces revenus contuit à ne pas les prendre en compte pour le calcul des droits à indemnité de chômage”.

De son côté, la disposition légale contenue dans l’article L 351-21 du Code du Travail fut elle-même abrogée début 2008.

– En pratique

En pratique donc, si les Assedic prétendent diminuer ou supprimer vos allocations chômage en raison de montants perçus au titre de cession de droits sur vos photos, il ne me parait pas y avoir la moindre base légale susceptible de justifier leur position.

Peut-être pourrez-vous, dans ce cas, leur produire la copie des deux Circulaires UNEDIC précitées et soulignant bien que la seconde a ANNULE la première, de telle sorte que l’on devrait en principe s’en tenir à la possibilité de cumuler les revenus perçus au titre des cessions de droits avec les indemnités de chômage.

. Circulaire UNEDIC n° 04-06 du 18/2/2004

. Circulaire modificative UNEDIC n° 04-07 du 31/3/2004

Si les Pôle Emploi persistent, n’hésitez pas à leur demander de justifier sur quelle base légale ou réglementaire se fonde leur décision car je n’ai à ce stade pas connaissance d’une autre disposition qui pourrait fonder la prise en considération de vos revenus au titre des droits d’auteurs. Bien entendu, je mettrai cet article à jour s’il s’avère que la matière évolue encore. Et il reste la possibilité qu’une circulaire modificative soit prise dans l’intervalle, elles ne sont pas toujours très accessibles.

Et bien entendu, ceci ne concerne que les droits d’auteur au sens strict, et en aucun cas le profit d’éventuelles ventes assimilables à des opérations commerciales…. si vous décidez de produire des cartes postales en quantité à l’aide de vos clichés, et outre le fait que vous devez alors opter pour un statut d’artisan, les développements ci-dessus ne vous concernent pas.

A bientôt

Joëlle Verbrugge

 

19 commentaires sur cet article

  1. Commentaire laissé par Frédéric Augendre le 18/3/2010

    Bonjour,
    Je ne crois pas, contrairement à ce que dit Didier, que le saiaire soit fondé sur “le temps passé”. A telle preuve que lorsqu’un pigiste déclare au Pôle emploi ses revenus salariés du mois, il indique “1 heure” dans la case correspondant à la durée d’activité. La pige est du salaire, mais elle rémunère “à la pièce” (article, photo, etc.) et non au temps.
    Je pense qu’il faut simplement se dire qu’Agessa et Assedic sont deux caisses différentes. Puisque les revenus sous régime Agessa ne se traduisent pas par des cotisations Assedic, il est logique que, par réciprocité, ils ne viennent pas influencer (en moins) le calcul de l’indemnité chômage.
    Cordialement,
    Frédéric Augendre, journaliste de l’écrit et de l’image

  2. Commentaire laissé par MétempsycOse le 27/3/2010

    Bonjour, merci pour cet article trés clair qui montre bien qu’au titre de la circulaire Unidic ci0407 les droits d’auteurs percus dasn le cadre d’un travail photographique ne sont pas à Déclarer aux assedic lors de l’actualisation…quoiqu’en dise les conseillers assedic.
    Cependant, j’ai une question:
    Lorsqu’on est un ancien salarié et que l’on a acotiser suffisamment, on peut prétendre à un total d’indémnité réparti sur 24mois.
    Cependant, L’assedic signale que si l’on se constitue en entreprise cette indemnisation est réduite sur 15mois.
    D’un côté les droits d’auteurs ne doivents pas être prise en compte par l’assedic, , de l’autre si l’on en percoient cela signifie que l’on a un Siret. Si on a siret, pour les assedic cela signifie qu’on est une entreprise et que du coup l’indemnité est rammené à 15mois….Alors même qu’au titre de la circulaire ci0407 les Assedic n’ont pas à savoir ce que nous percevons en tant qu’auteur: Que faire donc ? Faut il dire déclarer au assedic que nosu sommes déclarer comme artiste auteur (et que nous avons un siret ?)
    Merci de nous aider dans ce marasme administratif et contradictoire ….

    1. Bonjour
      Merci pour votre commentaire, et bonne question. Sous réserve de recherches supplémentaires, peut-être pourriez-vous tenter l’argumentation suivante :
      . le statut d’auteur implique certes un Siret, mais il ne s’agit pas d’une “entreprise” au sens commercial du terme, c’set un statut d’artiste
      . et comme il a été démontré que les droits d’auteur ne doivent pas être pris en considération,

      la conséquence serait que l’indemnisation ne doit pas être réduite en cas d’adoption d’un statut d’auteur..
      L’argument n’est toutefois pas infaillible puisque dans le cadre du statut d’auteur, les régimes fiscaux entre lesquels vous avez le choix sont soit le régime réel (déduction des frais réels avec éventuellement TVA) ou MICRO-entreprise.
      Mais cela mériterait d’être tenté..

      Il faudrait pour aller plus loin dans le raisonnement que je trouve les dispositions qui prévoient cette limitation des droits sur 15 mois dans le cas que vous évoquez… vais tenter de voir ça la semaine prochaine au bureau.

      Joëlle Verbrugge

  3. Commentaire laissé par Bruno le 31/3/2010

    Bonjour (ou bonsoir),

    D’abord merci pour cet article très intéressant et pour votre blog en général.

    Je rebondis sur les commentaire pour poser à mon tour ma question. Après une rupture conventionnelle, je suis donc au chômage. Il y a un peu plus d’un an, je me suis inscrit en auto-entrepreneur pour compléter mes revenus. J’ai choisi ce statut car il convient bien à mes activités (développeur web, webdesigner, et photographe), qui ne me permettaient pas uniquement de m’affilier à l’agessa ou à la MDA puisque j’ai des activités qui n’entrent pas dans le cadre ni de l’agessa, ni de la MDA (le développement PHP notamment).

    Dans mon activité, je facture de la prestation de service, mais aussi des cessions de droits d’auteur (photographies, chartes graphiques de sites web essentiellement).

    J’ai amené la Circulaire n° 04-07, du 31 mars 2004 lors de mon entretien au pôle-emploi ce jour même, mais ceux-ci m’ont rétorqué qu’elle ne s’appliquait qu’aux intermittents (je suppose parce que cette circulaire commence par “(…)les partenaires sociaux signataires de la réforme du régime des intermittents du spectacle étaient convenus d’inclure(…)”

    Est ce que la circulaire n° 04-07 du 31 mars 2004 s’applique uniquement aux artistes-auteurs, (ou intermittents comme il me l’ont prétendu), ou bien s’applique-t-elle également aux indépendant “urssaf” comme moi, qui peuvent aussi avoir des revenus en droits d’auteurs.

    Merci pour vos éclaircissements.

    Bruno

  4. Commentaire laissé par Bruno Mercier le 5/4/2010

    J’ai été un moment dans cette situation. Et effectivement mes droits ont été amputés au prorata de mes rentrées. Il m’a été demandé à l’époque de mentionner lors de ma declaration mensuelle via internet, temps travaillé : 1 heure et la somme effectivement perçue. De toute façon il est trop tard pour revenir là dessus. Mais cela prouve que nous sommes bien mal informés.

  5. Commentaire laissé par Nico le 28/7/2010

    Bonjour et merci pour tout ce travail d’information tres tres utile, ainsi que celui de Joelle !!

    Je rebondis sur les messages precedents car suis justement à la recherche d’une info precise concernant le fait de se declarer en Auteur-photographe lorsque l’on est intermittent du spectacle.

    Je sais qu’autour de moi des intermittents-auteurs existent (les realisateurs par exemple) mais je ne sais pas s’ils sont declarés et ont un Siret.

    car c’est bien ce n° de siret qui me fait peur car je crains que les assedic considerent qu’il y a creation d’entreprise et donc me radient du statut d’intermittent.

    Bref la Circulaire modificative UNEDIC n° 04-07 du 31/3/2004 est claire concernant le fait qu’on ne declare pas ces droits d’auteurs avec nos revenus mensuels aux assedic, mais quid de la prise de statut aux impots?

    Merci si quelqu’un peut m’eclaircir, car j’aimerais avoir de quoi appuyer ma questions à pole emploi, vu la versatilité des reponses qu’il est possible d’obtenir 🙂

    Bonne journée !

  6. Commentaire laissé par Cap le 5/8/2010

    Bonjour,

    Cette question m’intéresse également beaucoup étant intermittant du spectacle également et souhaitant acquérir le statut d’auteur photographe dans le but de vendre des tirages d’art.

    Ce qui est certain c’est qu’en tant que musicien je ne déclare pas aux assedic les revenus versés par la spedidam (société de perception de droits pour les interprètes) mais nous sommes dans ce cas dispensés de sire.

  7. Commentaire laissé par Philippe le 15/6/2011

    Bonjour,

    Je relance le sujet, pour savoir si une évolution a eu lieu depuis un an.

    Comme un précédent commentaire, je viens de rompre mon contrat (je suis dans la période du délai légal et ne peux donc pas encore aller voir pole emploi, n’étant pas encore demandeur à l’heure actuelle)

    Depuis quelques temps l’idée d’auteur-photographe me trotte dans la tête et je pense que c’est le moment de se lancer.

    Mais alors quid des droits? qui du numéro de siret?

    Merci de votre réponse

    Philippe

  8. Bonjour,
    Suite au tournage d’un spot de pub pour la télévision je vais toucher en plus du cachet (122€ brut pour 12h) une somme correspondant aux droits à l’image: 300€ pour un an.
    Au moment de ma déclaration au Pôle emploi comment faire ?

    Dois-je donner le total donc 322€ et 12h de travail dans ma déclaration ?

    Les 300€ de cession de droits à l’image n’étant pas un “salaire” à proprement parler je ne sais comment procéder.

    Bien à vous,
    Marionnette, comédienne.

  9. Bonjour Joëlle. J’ai travaillé 7 ans pour une maison d’édition, j’avais une partie salaire pour les textes (rédactrice pigiste) et une partie note d’auteur pour mes photos. Ces revenus d’auteur étant versés par une maison d’édition, je les déclarais comme salaire.
    Après une rupture conventionnelle de contrat, je dois m’inscrire au pôle emploie. Je vais continuer à percevoir des droits d’auteur(annuelle) sur l’exploitation de mes photos.
    Je dois continuer de les déclarer en salaire? Et dans ce cas, sont-ils à déduire des mes indemnités chômage?
    Merci Joëlle pour toutes les infos que vous nous apportez.
    Bien à vous

  10. Bonjour,

    aujourd’hui j’ai l’occasion de réalisez pour une communauté de communes une série de 15 photos ; que je souhaite leurs vendre (aucune impression de ma part, juste des fichiers numériques), ils compte les utilisés pour la réalisation de prospectus, flyers (surement site web, affiche) mais je suis chômeur et je ne souhaite pas perdre mes allocations chômage en leur vendant. Du coup en m’inscrivant à l’Agessa en tant que auteur-photographe “assujetti” vais-je perdre mes droits en cedant les droit sur ces images ?

    1. Bonjour,
      Tapez dans le moteur de recherche du blog “Unedic” ou “pôle emploi”.. j’ai quelques articles sur le sujet.

      Et vous aurez également des détails supplémentaires dans l’ouvrage “Vendre ses photos”, dont l’édition 4 sortira dans les prochaines semaines 😉

      Cordialement

      Joëlle Verbrugge

  11. Merci, je vais suivre la sorti du livre si il traite le sujet, je le prend, mais le souci c’est que je ne sais pas si je pourrais attendre sa sorti avant de devoir prendre une décision.

  12. Bonjour Maître,
    Y a t-il des évolutions concernant ce thème?
    Il y a 6 mois lorsque j’ai débuté mon activité d’auteur photographe, pole emploi m’avait confirmé que je n’avais rien à déclarer.
    Et là, ils me disent qu’ils se sont trompés et ils me demandent mes revenus d’auteurs des 6 derniers mois pour calculer le trop perçu !
    Que faire ? leur fournir ou pas ?
    Merci et bonne continuation

    1. Bonjour Maître,
      je suis intéressé par la réponse que vous pourriez apporter à Emeline (je me pose la même question !) et je me demande l’évolution de la loi à ce sujet.

      Vous remerciant pour votre aide, et surtout pour la qualité du contenu que vous nous apportez par vos publications.
      Bien cordialement

    2. Bonsoir,
      A ma connaissance aucune évolution légale à ce niveau. Le plus dur est -et reste, malheureusement – d’expliquer les règles aux conseillers Pôle Emploi, sur base d’une réponse concrète qui me paraît pourtant simple (celle de l’Unedic, dont parle l’article sous lequel nous échangeons…

      Je ne sais que dire d’autre…..

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.



error: