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Google, “agence photographique” ?

Bonjour

L’article d’aujourd’hui fait suite aux mails de quelques internautes qui m’ont soumis un contrat pour le moins inquiétant.


Il semble en effet que Google ait l’intention de se lancer dans des activités d’agence photographique, et propose à cette fin à certains photographes de devenir “Photographes agréés“, sur base de documents dont j’ose espérer  qu’ils ont simplement été traduits de l’anglais, et n’ont  pas fait l’objet d’une révision par un juriste français…
…ou alors je ne crois plus en rien..

Deux contrats sont soumis aux photographes contactés : l’un liant le photographe à Google, le second le liant à l’entreprise qui a commandé le reportage photographique

Le service proposé

A l’adresse http://maps.google.fr/help/maps/businessphotos/,  Google propose à des professionnels de publier en ligne des visites virtuelles de leurs locaux pour booster leur business.

Jusque là, rien de critiquable bien sûr, et chacun développe son activité comme il l’entend.L’idée est même plutôt bonne, et doit aboutir à une recherche possible sur les pages de Google Street View, etc…

Lorsque l’internaute/client potentiel veut en savoir plus, il clique sur le bouton du même nom dans le menu du site

Et, rassuré sans doute, le client verra que la prestation proposée l’est par l’intermédiaire de “Photographes agréés”.

Google doit donc faire appel, très logiquement, à des photographes un peu partout dans le monde pour réaliser les prises de vue qui serviront à proposer ces visites virtuelles.

Et ce sont certains de ces photographes contactés qui ont attiré mon attention sur les contrats qui leur était proposés.

Ceux-ci peuvent en outre trouver toutes les informations nécessaires sur la page d’information des photographes désirant demander leur agréation

Pour cela il leur faut s’inscrire.. après quoi ils disposent de .. 24h pour examiner en ligne les documents et contrats proposés…  sans doute la rareté est-elle censée créer le besoin…

Les contrats

Je n’ai bien sûr examiné que les aspects directement liés à la propriété intellectuelle.

A côté des clauses de non-concurrences logiques interdisant aux photographes d’utiliser ces mêmes photos (visées de façon très poétique par le terme “livrables” dans les contrats)  pour un site concurrent, ce qui est bien normal dès lors que la commande leur aura été passée par Google, on trouve par contre l’une ou l’autre mention plus inquiétante :

.Si la loi le permet, le Photographe Agréé ne peut revendiquer et renonce ainsi à tout droit moral par rapport aux livrables et, dans la limite autorisée par la loi, attribue à Google tout “droit moral” par rapport à ces derniers

Comme vous l’imaginez… la loi française.. ne le permet PAS .
Les droits moraux sont “perpétuels, inaliénables et imprescriptibles” (Art. L121-1 du CPI).
Jusque là, la rédaction du contrat reste prudente.. “si la loi le permet”…
En l’occurrence cet article sera purement et simplement écarté

. “Le Photographe agréé se soumet à l’ensemble des lois fiscales en vigueur, y compris aux exigences en matière de retenue d’impôts”

Tout cela est très bien, mais pas un mot sur les obligations légales particulières en matière de précompte de charges sociales pour les auteurs assujettis..   ni bien sûr de contribution diffuseur pour l’ensemble des auteurs…
Ceci ne me surprend pas…

. Un article étrangement rédigé prévoit également :

Etrange rédaction qui doit sans doute se référer à une notion juridique de droit américain, mais n’a que peu de signification en droit français.
Si le Photographe agréé est titulaire des droits sur “une invention, une amélioration, un développement, un concept ou une  découverte”, (et l’on voit mal d’ailleurs de quoi il pourrait s’agir), en quoi devrait-il demander l’autorisation à Google avant de l’intégrer “dans le livrable” ?

Et dans ce cas toujours, il serait censé concéder une “licence non-exclusive, sans redevance, perpétuelle, irrévocable et pour le monde entier”….

Je ne vois toujours pas de quoi il peut être question, mais par contre nul doute que nous sommes ici en contradiction avec l’article L131-3 selon lequel la cession (quoi qu’elle ait pour objet s’il s’agit bien de propriété intellectuelle) doit être limitée notamment quant à sa durée !!!

.  A noter aussi, à titre anecdotique, l’obligation pour le photographe de souscrire une assurance couvrant notamment sa responsabilité civile avec des montants de garantie minimum exprimés en dollars… (beaucoup de dollars !), une assurance couverture maladie etc….
Ceci juste pour me confirmer que le contrat n’a manifestement pas fait l’objet d’une adaptation en droit français.

Et cela est dommage, venant d’une société dont au contraire j’admire souvent les innovations technologiques.

Dans le même temps, Google sera autorisé à effectuer (ou faire effectuer par un tiers) un “contrôle d’antécédents du Photographe agréé“.. j’ose espérer qu’il s’agit simplement de parcourir son travail photographique…

. Dans ses rapports avec l’entreprise locale qui aura souhaité de faire photographier ses locaux, le Photographe Agréé s’engage également, d’après le second contrat, à céder “si la loi le permet” l’ensemble de ses droits moraux…
Même remarque que ci-avant bien entendu…

Ainsi d’ailleurs que “tous les droits de propriété intellectuelle”…

Ceci, vu la formulation, devrait même permettre à certaines entreprises d’utiliser ensuite les photographies pour ses propres besoins en communication, au-delà des visuels qui serviront à la visite en 3D des boutiques…
Je n’ai pas connaissance des tarifs proposés aux Photographes, mais je doute fort que ceux-ci puissent compenser ensuite une campagne d’affichage en 4×3 dans tout le quartier, voire simplement l’impression de flyers et autres supports notamment de PLV.

Et tout ceci après premier examen, j’imagine qu’en creusant un peu ….

Rassurant ?
On peut être “rassurés” toutefois… Google impose un numéro de Siret pour participer au programme…  ceci au moins exclut l’organisation systématique de prestations par des photographes non-inscrits, et la concurrence déloyale que cela pourrait créer pour les professionnels.

C’est déjà ça….  et au moins les commerçants auront-ils à priori des photos de bonne qualité..

Et  en cas de litige, il vous restera à saisir d’abord un médiateur, et ensuite les tribunaux de Santa Clara (Californie), qui feront application de la loi de l’Etat de Californie…  vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles…

Pas trop de temps à perdre là-dessus aujourd’hui, mais sachant que Google a bien entendu également un siège en France, avec un numéro de Siret et une inscription au RCS de Paris, il est regrettable que les vérifications élémentaires n’aient pas été faites en droit français.

J’imagine que tout cela se justifie par le but de développement du commerce de proximité…

Sur ces considérations, je m’en vais manger dans un restaurant.. de proximité..

Joëlle Verbrugge

 

 

14 commentaires sur cet article

  1. Décidément, tous ces contrats, proposés aux photographes sont souvent bien “vaseux”. J’avais été contacté par une entreprise, aujourd’hui, déjà disparue (Europroxi) qui proposait à des photographes locaux des prestations dans leur secteur géographique de prises de vues pour de l’immobilier, du chantier, des boutiques etc. Dans leurs clauses, les droits des photographes étaient là aussi assez mal établis, bien que plus clair, car en bon français, que chez Google. Soit j’ai mal lu soit il il n’en est pas fait mention, mais je n’ai rien vu sur la rémunération des photographes ! il faut que j’y retourne !
    Bonne journée et encore bravo et merci pour votre vigilance !

  2. Bonjour Joëlle,
    Merci pour ce billet récapitulatif sur ce dossier, qui m’a énervé (mais j’avais le sentiment d’être bien seul de mon côté jusqu’à présent).
    J’étais intéressé par le principe et je me suis inscrit ; une personne du service Google m’a contacté pour vérifier que je répondais bien “aux critères”… Et ce n’est pas le cas :
    – le photographe agréé doit pouvoir assurer un “CA” d’au minimum 20 visites virtuelles par mois (comprenant la recherche de clients, la réalisation, la post-production, …)… Ce qui représente selon les dires de mon interlocutrice un quasi plein-temps.
    or, le plein-temps je ne l’ai pas (je suis également salarié au départ, pas que photographe)…et ils ont refusé purement et simplement ma candidature…

    En synthèse, pour moi, le problème va beaucoup plus loin que les éventuels problèmes de droit d’auteur : ils proposent ce qui ressemble à un salariat déguisé…. sans les charges et les contraintes qui vont avec.
    (Et je n’ai même pas pu aborder le point des rétributions, malgré mes effots avérés de passer outre le premier “blocage”).
    #mes2centimes

    1. Bonjour
      Oui tout à fait d’accord pour ce qui est en outre du temps à consacrer. L’un des contrats impose 30h environ..
      Cela n’est pas réaliste..
      Mais pour ma part je me suis contentée d’examiner les aspects qui concernent mon blog.. et il y a déjà pas mal à dire 🙂

  3. Merci Joëlle pour votre précieux décryptage. La législation est fort complexe… C’est toujours avec plaisir que je lis vos remarques et orientations pertinentes.
    Artistiquement.
    C.K

  4. Merci Joëlle en effet pour toutes ces infos.
    Malheureusement je ne suis pas certain d’avoir tout compris, peut être l’un d’entre vous peut m’éclairer?
    Après une demande pour être photographe agréé faite il y a 2 mois je viens d’être contacté par google. J’ai été glané des infos et me suis aperçu qu’étant Auteur-photographe je ne pouvais pas facturer les commerçants… Google demande en effet que je renonce à tous mes droits au profit du client… alors qu’en tant qu’auteur photographe je vends des droits de diffusion (pour tant de temps, sur tel support…). Mais je n’ai peut être pas tout compris? Et si c’est le cas comment adapter la note d’auteur à ce type de contrat avec le commerçant?
    Un grand merci d’avance pour les éventuelles réponses.
    Cdlt

  5. Bonjour,
    Photographe pro et pour les pros, je suis en train d’être agréé par google pour les visites virtuelles.

    J’explique rapidement les principes :
    – En tant que photographe, on fait payer la prestation de la mise en place de la visite virtuelle au client, et on injecte tout ceci dans la “machinerie google”. En fait, à nous de faire nos prix (qui ne sont pas fixés par Google !) en conséquence.
    – On a un cahier des charges très précis de la part de Google pour formater les visites. D’où aucune créativité : on doit simplement suivre la procédure.
    – Vis à vis du point “innovation” : Si jamais on trouve une amélioration à leur process, il faut d’abord faire les essais et demander à google si leurs logiciels peuvent accepter la modification, toujours dans un esprit de formatage des prises de vue.
    -Enfin, on ne reçoit absolument rien de la part de Google : on se paye notre matériel (avec des références précises, bien entendues !) et l’argent ne passe que du client (professionnel qui souhaite une visite virtuelle) au photographe. On dépose les photos chez Google pour hébergement.

    Personnellement, le droit d’auteur pour ce type de travail est inapproprié, dans le sens où le photographe n’est qu’un doigt qui appuie sur le bouton du déclencheur. (Le crédit, sur les visites virtuelles est notée en bas… C’est le minimum ! )

  6. Et j’oubliais : le seul contact du professionnel-client est son photographe , et non google : Si besoin de photos pour sa pub, il est obligé de passer par son photographe. Google n’a pas la possibilité de revendre les photos au professionnel sous un autre format…
    Donc si le client souhaite une campagne de pub, il a un bon nom (si le travail est bien réalisé) pour faire des photos, et cela se passe sans l’apanage Google.
    C’est pour cette raison que le photographe doit avoir un numéro de SIRET et qu’il ait la possibilité d’éditer des factures.
    Pour une fois, je trouavais d’ailleurs cela très remarquable de la part de Google. Pas de SIRET = Pas de Marché possible. Certes, ils ne poussent pas au point de demander le code APE, mais cela limite le marché aux photographes professionnels Artisans.

  7. En ce début 2014, nous sommes environ 200 photographes agréés par Google sur toute la France. Hormis ces problèmes de contrat un peu fumeux, la réalité sur le terrain montre que les commerçants sont plutôt content de voir arriver des photographes dans leurs boutiques. La prestation que nous réalisons pour eux les aide à mettre un pied dans le web et à prendre conscience qu’une bonne image numérique aide à transformer des ventes. Nous vendons une prestation photo à des commerces qui n’auraient jamais fait appel à un photographe. Finalement, tout le monde est gagnant car pour un prix que les clients jugent correct, ils s’offrent les services de personnes compétentes. Et un client content, c’est un client qui vous écoutera par la suite quand vous aurez autre chose à lui proposer/vendre. Et à ce jour, nous n’avons pas eu vent de problème liés aux droits moraux sur nos images réalisées dans le cadre du programme de visites virtuelles pour les pros. Pour éviter qu’un client n’utilise abusivement une de nos photos, il suffit tout simplement de ne pas lui transmettre le fichier haute définition.
    Eric

  8. Bonjour a Tous!
    Vaste sujet que ces 360 made in Google!
    Pour répondre (tardivement ) a Clio, je ne vois pas pourquoi un Photographe Auteur (Agessa & Co) ne pourrait pas facturer à un commerçant. A partir du moment ou ce dernier a un siret, c’est possible.
    Alors oui, il ne s’agit pas d’ œuvre d’art comme l’entend l’Agessa mais 99% des travaux réalisés par les Photographes Auteurs sont de même nature! C’est un gagne pain!

  9. Mais franchement, vous n’êtes pas assez sûrs de vous et de vos démarches commerciales pour avoir besoin de Google pour vendre vos prestations ??? Depuis quand une firme comme eux pourrait nous aider auprès de nos clients ??
    Et puis, chers confrères, il faut avancer maintenant … les visites 360° c’est comme les diaporamas … ^^ c’est fini, vivons avec notre temps et proposons des visites guidées VIDÉOS !!!
    Pour réussir et tenir le cap dans notre profession, il faut suivre le mouvement !

  10. Merci Joëlle pour avoir pris le temps de décortiquer le contrat avec google 🙂
    A priori, je trouve l’idée plutôt bonne, le photographe “débutant” ou sans une longue expérience peut être tenté par ce type de prestation qui peut aider à diversifier son offre et par conséquent à viser un salaire décent à la fin du mois.
    On est loin de la valeur artistique de la photo certes, mais en plein dans le service aux professionnels afin d’améliorer leur communication, alors pourquoi pas ?
    Le filtrage via Siret par exemple est heureux, seul le nombre “imposé” de travaux minimum peut être un obstacle car quand on est à pas à temps plein pour google ce n’est pas évident pour le planning de la semaine.
    Je tente le coup, affaire à suivre…

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