L’Art de la pose par Florence RIVIÈRES – Second volet
Publié le 24 mai 2017
Sommaire
Bonjour à tous,
(Le début de cet article est identique à celui que je publiais hier sur mon blog de photographe… la fin, par contre, se concentre sur les aspects juridiques du sujet)
Au programme de l’article du jour, une belle découverte.
Premiers contacts
Avant de vous parler du livre lui-même, quelques mots sur la façon dont il est arrivé entre mes mains. Ceux qui connaissent mon travail photographique savent en effet qu’à l’exception des photos de mes enfants (que je ne montre quasiment pas sur Internet au grand désespoir des jeunes modèles), je ne pratique jamais la photographie avec des modèles vivants. Mes sujets sont plutôt sportifs, culturels, régionaux, graphiques, etc… Pour vous faire une opinion, c’est PAR ICI.
Bref, rien qui puisse m’amener à priori – alors que j’ai des montagnes de livres à lire et jamais assez de temps pour tout découvrir – à me pencher sur une lecture spécialement dédiée à la photographie de modèles d’art. Je ne pose pas non plus en tant que modèle, et donc cet ouvrage serait sans doute resté bien loin de ma bibliothèque si…
… si un jour, son auteure, Florence RIVIÈRES, elle-même modèle ET photographe, ne m’avait approchée par l’intermédiaire de Julie de WAROQUIER (qu’on ne présente plus, mais au cas où : http://www.juliedewaroquier.com/).
La demande de Florence était à ce moment la suivante : elle avait lu l’ouvrage « Le photographe et son modèle » qui est consacré aux aspects juridiques de cette collaboration artistique.
Sa première idée était d’inclure dans son ouvrage une interview pour compléter ses propos. Le contact étant excellent, j’ai bien sûr accepté en la remerciant pour cette opportunité de mêler son expérience de modèle à mon activité juridique…. et le temps passa…. et passa encore… et encore… Et j’avais, de mon côté, mille autre choses à faire et à penser, donc j’attendais tranquillement qu’elle reprenne contact avec moi.
Le temps passait toujours….
….jusqu’au moment où je lus l’annonce de la sortie de son livre.
N’aimerait-elle plus mon livre ? Aurais-je dit ou fait quelque chose qui lui aurait déplu ? Aurais-je raté un message important ? (Oui bon, les auteurs – même s’ils sont avocats par ailleurs – ont l’imagination fertile… pas pour rien qu’ils sont auteurs…!). M’aurait-elle recontactée en vain, sa demande étant absorbée et avalée dans les méandres de Messenger ? Ouf non… mais pourquoi diable, alors, n’avions-nous plus échangé ?
Je me suis donc rapprochée d’elle et Florence m’a indiqué qu’elle avait trouvé son style, son impulsion, et avait plutôt fait de multiples références à mon ouvrage dans son livre. Gentiment, elle m’en adressa une copie en ebook alors que son bébé était déjà parti à l’impression, pour avoir mon avis.
Les absurdités légales, vues à travers les yeux d’une modèle
(C’est à partir d’ici que l’article diffère de celui publié hier)
Donc, pour résumer la problématique longuement développée dans “Le photographe et son modèle” : il n’est plus possible de travailler légalement comme “modèle d’art”. Pourquoi ? C’est long à expliquer.. et puis, si j’en ai fait un livre, c’est qu’il y a de la matière.
(Voici d’ailleurs la page vers le site de l’éditeur, ainsi qu’une présentation du livre en vidéo).
Oui mais voilà, c’était compter sans la capacité de résistance de l’Être Humain (pris de façon générale). Et là où il trouve du plaisir (artistique j’entends), il n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.
Donc, ce n’est pas parce que quelques administrations ont décidé (en 2012) que même sous forme d’auto-entreprise, il n’est plus possible de facturer une prestation de modèle, que d’un coup, tous les modèles d’art du territoire vont arrêter leur activité.. ils sont juste forcés de travailler “au noir”…
Et dans un pays qui vante à juste titre son histoire culturelle, il en fallait plus pour que modèles, photographes et autres artistes arrêtent de collaborer.
Mais comment ?
Oui.. comment ? Si tout est illégal, comment est ressenti ce vide législatif et le voyage en absurdie que j’ai longuement décrit dans mon ouvrage ?
Si j’ai pu recueillir, en le rédigeant, les témoignages de tous les modèles qui avaient eu la gentillesse de répondre à mon questionnaire à l’époque, mes contacts proches sont surtout photographes.
Et il était donc très intéressant de me pencher sur la problématique vue “de l’intérieur”.
Voyage d’un modèle en absurdie
Et là, je n’ai pas été déçue. Avec l’humour qui caractérise l’ensemble de l’ouvrage, Florence RIVIÈRES évoque “l’invisibilisation” du modèle d’art:
“Et c’est cohérent avec le monde dans lequel on vit, quand on y pense. L’invisibilisation juridique dont font l’objet tous les modèles d’art, c’est-à-dire non seulement (celles et ceux) qui posent pour des oeuvres d’art, mais aussi tout le pan de l’activité qui prend place en école d’art, est symptomatique d’une certaine école de pensée. On s’occupe plus de ce qui est “utile”. Et qu’est-ce qui est perçu comme le plus utile dans le monde du néolibéralisme, de l’artiste ou du publicitaire ? La consommation au détriment de la création. Pourquoi les mannequins d’agence ont-elles un vrai statut personnel permettant rémunération ? Parce que leur image sert à vendre des produits, tout simplement. Alors que le modèle d’art, en dessin et/ou peinture, comme en photo, ça ne “sert” – et j’appuie ici sur l’usage des guillemets – à rien. On valorise les gens qui font des maths, pas de l’Art.” (p. 191).
Mais il reste qu’il faut travailler… et que pour bon nombre de modèles, quoi qu’en disent certaines têtes “pensantes”, modèle d’art est un métier.
Et comment, alors, demander une rémunération quand d’une part il n’est plus possible de la déclarer et d’en faire découler une couverture sociale, et que, d’autre part, les photographes eux-mêmes en déduisent alors que le modèle n’a aucune existence ?
“Enfin, symboliquement, c’est encore une façon de ne pas considérer la pose comme un métier, mais plutôt comme un loisir, quelque chose qu’on fait le dimanche après sa semaine de travail et qui, peut-être, de temps en temps, nous amènera la surprise d’un chèque que l’on pourra utiliser pour s’acheter une guêpière. Je caricature encore, on peut s’en serivr pour acheter un vélo.” (p.200)
Bref, le modèle remplit son existence d’un travail qui n’existe pas aux yeux de la loi.
Et se sent invisible… ce qui est paradoxal pour celui qui au contraire doit être présent sur une photo, ou l’oeuvre d’un artiste.
Merci Florence pour cette analyse.
Pour découvrir le site de l’auteure de cet excellent ouvrage et en savoir plus sur le livre : https://lartdelaposefr.wordpress.com/
Cet article inaugurait donc la nouvelle version du blog, entièrement relooké par la créatrice/webmaster du site Akro Web, que je remercie pour l’excellent travail réalisé. La version “responsive” de cette nouvelle mouture du blog sera finalisée rapidement, mais les lecteurs qui me lisent sur leur ordinateur peuvent ainsi déjà bénéficier de la nouvelle mouture.
Joëlle Verbrugge