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Les exigences en matière de crédit photographique

Bonjour

L’article d’aujourd’hui sera consacré à un point que la jurisprudence aborde assez peu : la question de la forme d’un crédit photographique.

Il existait une jurisprudence déjà assez ancienne qui précisait qu’indiquer juste le nom de l’agence du photographe, mais sans le nom du photographe lui-même était insuffisant, et ne respectait pas le prescrit du Code de la Propriété intellectuelle qui autorise l’auteur à exiger que son identité soit apposée à côté de chaque utilisation de son œuvre.

Dans le jugement que j’examine aujourd’hui, le nom avait été indiqué, mais de façon assez peu conventionnelle, ce qu’a sanctionné le Tribunal.

Les faits

Un photographe spécialisé dans les scènes de chasse avait retrouvé deux de ses photographies (originairement faites pour un restaurant dont la clientèle était constituée essentiellement de chasseurs) dans un magazine consacré à la même activité, reproduites sans son autorisation et sans mention de son nom.

Après une mise en demeure infructueuse, il avait alors assigné l’éditeur du support papier, ainsi que la société qui reprenait les visuels sur son site Internet.  Il demandait à la juridiction de constater la contrefaçon, d’ordonner la destruction de l’ensemble des magazines sur support papier sous peine d’astreint, et chiffrait son préjudice en terme de droits d’auteur.

Les défenderesses arguaient de ce que le photographe avait donné son autorisation au restaurateur pour l’exploitation par ce dernier des photographies réalisées, de telle sorte qu’il n’y avait pas contrefaçon.

A cela, le photographe répondait que si une autorisation avait bien été donnée, c’était, antérieurement, pour une destination bien précise (une publicité pour le restaurant en question), mais pas au-delà.

Or, l’utilisation litigieuse soumise au Tribunal concernait la réutilisation à des fins sans rapport d’un montage représentant 9 prises de vue d’un sanglier photographié à haute vitesse puis superposées pour donner l’illusion d’une horde compagnie (merci au lecteur attentif et plus compétent que le Tribunal et que moi-même), le tout repris en couverture du magazine, et donc sans aucune vocation de promotion de l’activité du restaurateur avec qui il avait conclu en effet un partenariat. Le même raisonnement était tenu pour les photographies reprises à l’intérieur du magazine.

Sur ce point, le Tribunal donne raison au photographe en relevant que les utilisations contestées ne sont en aucune manière reliées à l’activité du restaurateur et sont donc constitutives de contrefaçon.

Arrivant ensuite à la question du droit moral à la paternité sur l’œuvre – qui nous occupe aujourd’hui – le Tribunal rappelle les termes de l’article L121-1 du CPI selon lequel “l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre”.

A cet égard, les défenderesses invoquent le fait qu’elles ont bien indiqué une mentions en page 3 du magazine sous la forme suivante : “Photo de couverture : Courtoisie – (nom de l’enseigne du photographe et numéro de téléphone de celui-ci)”.

Or, le nom utilisé était constitué en fait des initiales du photographe non identifiables sans la mention de son identité complète.

Le Tribunal a donc estimé à ce sujet “qu’en vertu du texte susvisé, l’identification de l’auteur doit être claire et dépourvue d’ambiguïté, de sorte que l’indication d’une enseigne, qui n’est au demeurant guère évocatrice, et d’un numéro de téléphone, fût-il celui du demandeur, ne sauraient valoir respect de son nom“. (TGI Paris, 3ème ch., 2ème section, 24/5/2013, RG 11/18256).

Que retenir ?

Il faut donc être clair dans la mention du crédit photographique. L’auteur de l’œuvre doit être identifiable sans risque de confusion ou sans ambiguïté. C’est d’ailleurs sur base des mêmes exigences que d’autres tribunaux ont considéré qu’un livre publiant les photographies de différents auteurs devait mentionner, au regard de leurs noms éventuellement mis en fin d’ouvrage, la liste précise des photos qui leur étaient attribuées, page par page.

Sur ces considérations, je vous souhaite une excellente journée.

Joëlle Verbrugge

9 commentaires sur cet article

  1. On ne saurait être plus clair.

    Foin donc des mentions “Photos : D.R.” qui ne signifient rien (et ne protègent rien !) et autres initiales absconses.

    .:caramel_mou:.

  2. bonjour,
    preuve que je lis attentivement vos billet 😉
    pouvez remplacer “horde” par “compagnie” ou éventuellement par “harde” (utilisée pour les ruminants)
    Je sais je chipote mais le droit a ses exigence et la nature les siennes 😉
    merci pour vos billets toujours très instructifs
    cordialement

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