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Non, la photo n’est pas un instrument de vengeance !

Bonjour.

L’article d’aujourd’hui est consacré à un arrêt dont j’avais découvert par hasard l’existence et dont il m’a fallu trouver ensuite le texte complet. Au détour d’un pourvoi introduit par un photographe qu’une Cour d’appel avait tout simplement condamné à ne plus exercer sa profession pendant une certaine durée, je m’étais interrogée sur les circonstances qui avaient pu amener à une telle condamnation, qui sort pour le moins de l’ordinaire.

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Mais sachant que les arrêts de Cassation, surtout lorsqu’ils rejettent un pourvoi, peuvent être très brefs, je ne disposais pas de plus d’informations. J’ai donc cru qu’il s’agissait d’un paparazzi ayant éventuellement dépassé certaines limites acceptables. Après avoir sollicité du greffe de la Cour d’appel concernée la copie de cet arrêt, celui-ci me fut finalement envoyé.

Les faits

Un photographe avait partagé sa vie avec une jeune femme nettement plus jeune que lui, et encore mineure au moment où ils s’étaient rencontrés. La relation s’était ensuite sévèrement dégradée, et le photographe avait fait l’objet d’une condamnation pénale pour diverses voies de fait et notamment menaces de mort.

La compagne, signifiant à son ancien compagnon qu’elle ne souhaitait plus le voir, avait suscité la colère de celui-ci qui, en guise de représailles, avait affiché sur le véhicule de la plaignante une photo en 24×30 cm “représentant celle-ci enchainée à un divan, dans une pose équivoque” (description faite par l’arrêt). Photo prise bien entendu dans un lieu et un contexte très privés, et pour laquelle la jeune femme n’avait pas donné d’autorisation de diffusion, et moins encore pour une diffusion de cette nature !

Parallèlement à une plainte pour harcèlement, le Tribunal correctionnel avait finalement condamné le photographe sur le plan pénal, et lui avait fait interdiction d’exercer sa profession pendant une certaine durée (non précisée dans l’arrêt d’appel), au vu notamment de l’existence d’antécédents (condamnations portées à son casier judiciaire pour des faits de détournement ou corruption de mineurs de moins de 18 ou de moins de 15 ans). En toute logique, le Tribunal condamnait également le photographe, dans ce cas, à subir un traitement et un suivi psychologique.

Et la Cour, à sa suite, saisie par le prévenu mécontent, a confirmé cette condamnation dans un arrêt rendu en octobre 2000. Le pourvoi introduit par le prévenu fut rejeté par la Cour de Cassation. En raison de la nature des faits, je ne donne pas les références de l’arrêt, qui est bien entendu en ma possession et dont j’ai pu vérifier le contenu.

Qu’en penser ?

Au-delà du caractère purement privé de cette sordide affaire, et du préjudice incontestable que les faits ont pu créer pour la victime, l’arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que la photographie peut-être utilisée parfois par certains comme une arme de séduction ou comme un moyen de se faire dévoiler (au sens propre), des facettes pour le moins intimes des modèles ou de les entrainer dans des relations plus personnelles encore. Lorsque, comme ici, cela débouche sur un conflit à couteaux tirés, la situation se corse lorsque ces mêmes photographies servent alors à des publications non-autorisées par les modèles.

Quelles que soient les photographies, dès le moment où elles ont été prises dans un lieu privé il faut l’accord des sujets pour en assurer la diffusion. Le texte du Code pénal est très clair à ce niveau (voir les développements à ce sujet dans l’ouvrage “Droit à l’image).

A fortiori, lorsque les photographies révèlent l’intimité des sujets, que les modèles soient dénudé(e)s ou non, que les poses soient “équivoques” ou non, le préjudice dont le juge aura à apprécier l’importance risque d’entrainer des condamnations d’autant plus sévères. En l’espèce, ce fut donc une interdiction d’exercer sa profession que le prévenu eut à subir. Et si l’arrêt a attiré mon attention, c’est précisément du fait qu’il s’agit du premier où je voyais mentionnée une telle mesure d’interdiction professionnelle.

Il faut aller loin…  certes… mais il faut également se rappeler qu’une photographie n’est pas un instrument de vengeance personnelle, quel qu’en soit le mode de diffusion.

Joëlle Verbrugge

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