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Une nouvelle proposition de loi sur le droit à l’image des forces de l’ordre

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Bonjour à tous,

Il y a quelques mois, une proposition de loi avait été déposée visant à limiter le droit de diffuser l’image des policiers.

Déposée en décembre 2019 par un sénateur de l’Hérault, J-P GRAND, cette proposition visait à ajouter des dispositiosn à la loi de 1881 sur la liberté de la presse ET au Code pénal (modification de l’article L226-1) (voir ICI pour le texte dont il était question à ce moment).

Cela n’avait toutefois pas été plus loin.

Voici que le sujet refait surface, cette fois à l’initiative d’un autre député.

Il y a deux jours était à nouveau déposée une proposition de loi “visant à rendre non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images dans l’espace médiatique”. Cette proposition émane cette fois d’Éric CIOTTI et d’une série d’autres députés.

Le cadre légal actuel

À l’heure actuelle, et si l’on fait exception de certains services spéciaux énumérés dans des dispositions réglementaires déjà un peu anciennes, photographier des membres des forces de l’ordre reste par principe autorisé.

Ceci avait notamment été rappelé par un document signé à l’époque par le Directeur général de la Police nationale, et dont la copie se trouve dans la section “Téléchargements” de ce blog : ICI.

Même s’il apportait des nuances ensuite, le document commençait par un rappel très clair :

En outre, gardez à l’esprit que ce rappel des principes n’autorise pas, pour autant, à publier des photographies dans n’importe quel contexte. Les juges et tribunaux appliqueront à ce type de publications les mêmes règles que celles qu’ils appliquent en matière de droit à l’image de façon générale.

Pour des publications à des fins d’informations, ils effectueront notamment certaines vérifications :

      • La publication est-elle en lien avec l’événement ou l’information illustré(e) ?
      • La personne représentée est-elle reconnaissable ?
      • Cette personne est-elle concernée par l’information ?
      • N’y avait-il pas moyen d’illustrer l’information sans montrer son visage ?

Etc.

Pour aller plus loin sur ces questions, je vous rappelle l’existence de l’ouvrage “Droit à l’image et droit de faire des images” dont l’édition 2 est toujours disponible.

Je publie également de très nombreux articles à ce sujet sous l’appellation “Jurimage”.  L’un de ces articles concerne d’ailleurs une affaire qui avait défrayé la chronique et suscité de vifs débats, en Belgique cette fois, à propos précisément de l’image des policiers. Un article a été publié à ce sujet dans la rubrique des articles offerts sur le site.

Depuis plusieurs décennies, les juridictions fixent en effet, peu à peu, les limites du droit à l’image. Et certes, il est parfois nécessaire de légiférer pour combler des vides législatifs (ce fut le cas concernant le “revenge porn” par l’ajout, en 2016, d’une nouvelle disposition dans le Code pénal), mais lorsque des lois existent déjà, l’inflation législative n’est pas toujours une bonne chose.

Ainsi, la publication d’un membre des forces de l’ordre identifiable qui lui causerait un préjudice serait, déjà, susceptible d’entraîner une condamnation, mais au titre de l’article 9 du Code civil essentiellement (ou du code 226-1 du Code pénal s’il se trouve dans un lieu privé).

Que prévoit la proposition de loi ?

Sur le site de l’Assemblée nationale, les motifs de la proposition sont clairement exposés et visent, pour résumer, à éviter le bashing dont sont victimes certains policiers ou gendarmes, ce qui les place – et on peut bien sûr le comprendre aussi – dans un “climat d’insécurité”.

Le but de la proposition est donc, selon ses propres termes :

“/…/ de rendre systématiquement non identifiables les forces de l’ordre dans l’ensemble de l’espace médiatique, y compris sur les réseaux sociaux.”

Pour cela, les auteurs de la proposition demandent l’ajout dans la loi du 29 juillet 1881 (dite “Loi sur la liberté de la presse”) d’un article 35quinquies. Le texte de cet article est rédigé comme suit dans la proposition de loi :

 

Qu’en penser ?

Il ne m’appartient pas de me substituer aux élus qui voteront sur cette proposition, d’autant que les intérêts en présence sont importants : respect de la sécurité des membres des forces de l’ordre d’un côté (car oui bien sûr il y a aussi des actes graves dont ils sont les victimes), et liberté d’information de l’autre.

Par contre, à l’heure où l’État policier se renforce quand même de toutes part, n’oublions pas non plus que l’inflation législative, lorsqu’il s’agit de créer encore des interdictions et de nouvelles infractions pénales peut sans doute être, aussi, ressenti comme une menace.

Il est aussi utile de préciser que ce qui serAIT interdit, si la proposition est adoptée, c’est la DIFFUSION médiatique des photos, pas les prises de vues elles-mêmes. Dès lors, rien n’empêcherait (en théorie du moins) d’utiliser les photos pour démontrer d’éventuelles violences policières, mais ceci est un autre débat.

Affaire à suivre.

Joëlle Verbrugge

 

1 commentaires sur cet article

  1. Bonjour,
    Si je comprends bien, l’interdiction est générale. Cela veut il bien dire que si on diffuse une image (d’un événement par exemple) sur laquelle des policiers apparaissent incidemment, on serait passible de l’amende en question ?
    Ce serait une sacrée restriction quand même.
    Cordialement,

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