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Vie privée, droit à l’image et débat d’intérêt général

Sommaire

Bonjour à tous,

Revenons sur cette notion de débat d’intérêt général en matière de droit à l’image.

Dans le cadre des litiges en matière de droit à l’image, et lorsque ceux-ci mettent en présence un éditeur de presse, la défense invoque souvent, pour justifier la publication de photographies (ou d’informations écrites) le fait que celles-ci touchent à un débat d’intérêt général, et qu’il n’y a dès lors pas d’atteinte condamnable à la vie privée des plaignants.

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Ce sera donc au magistrat à mettre en balance les intérêts de chaque partie. Dans l’affaire dont il est question aujourd’hui, le TGI de Paris a eu l’occasion de détailler les raisons pour lesquelles une publication devait être admise, nonobstant les plaintes de l’intéressé.

Les faits

Le fils d’un ministre en exercice reprochait à l’éditeur d’un hebdomadaire national ainsi qu’au Directeur de Publication de celui-ci d’avoir publié un article contenant divers éléments relatifs à sa vie privée, et diffamatoires à son encontre. Parmi ceux-ci il était notamment question du prix d’achat d’un appartement parisien dont les journalistes affirmaient qu’il avait été surévalué, ou possiblement financés par des fonds suffisamment suspects pour avoir entrainé un signalement Tracfin.

L’intéressé invoquait à la fois  :

. des atteintes à sa vie privée :

– interdiction de casino,
– diffusion d’une partie de l’adresse de l’immeuble acheté,
– utilisation de photographies représentant pour l’une le haut d’un immeuble, et pour l’autre le plaignant lui-même, avec la légende suivante “Suspicion. Thomas Fabius fait l’objet d’un signalement Tracfin” (organisme officiel de lutte contre le blanchiment d’argent).

. des faits constitutifs de diffamation (surévaluation fictive du bien)

Le jugement (TGI Paris, 10/9/2014, RG 13/07961)

Le Tribunal va commencer par rappeler qu’il faut mettre en balance d’une part le droit de chacun au respect de sa vie privée, et d’autre part les nécessités de la liberté d’expression, en ayant égard “à la qualité de l’information” :

Fabius_extrait1Fabius_extrait2Sur cette base, le Tribunal considéra tout d’abord que les informations données quant à l’adresse précise du domicile du plaignant n’étaient pas suffisantes pour identifier précisément l’immeuble dans lequel le fameux appartement était situé.

Le Tribunal examine ensuite l’importance de l’information donnée dans le cadre d’un débat d’intérêt général, pour conclure que l’information était légitime :

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Pour être complet, signalons que sur les aspects diffamatoires invoqués par le plaignant, un seul des griefs fut accueilli mais ne suscita de condamnation qu’à hauteur d’un euro symbolique.

Que retenir de ce jugement ?

En matière de violation de la vie privée (ici notamment par la publication d’une photo du haut d’un immeuble, d’une autre représentant le plaignant lui-même, et du numéro d’un immeuble sans précision de l’artère précise sur laquelle il se situait) le Tribunal examine les enjeux en présence.

Les informations données n’étant pas contestées, le Tribunal a considéré que les propos tenus dans l’article ne dépassaient pas le cadre du débat d’intérêt général, du moins sur les aspects concernés par la violation invoquée de la vie privée.

En d’autres termes, le fait que le contenu de l’article collait au plus proche des informations objectives (existence d’une enquête Tracfin) tout en se limitant à des indications imprécises quant à l’adresse complète de l’appartement permit à l’éditeur d’échapper à la condamnation à ce titre. Rien ne dit d’ailleurs que l’immeuble représenté sur la photographie était bien celui dans lequel se trouvait l’appartement faisant débat.

Une jurisprudence qui reste donc conforme aux règles souvent appliquées, et qui confère au magistrat le soin d’examiner les intérêts en présence et d’apprécier l’importance de l’information dans le cadre d’une société démocratique où la liberté d’information doit rester l’un des principes fondamentaux.  L’hebdomadaire ayant su, dans ce cas, garder une juste mesure dans la révélation des informations ne fut pas inquiété au-delà de l’euro symbolique accordé du fait de la mention d’une éventuelle surestimation susceptible de dissimuler un blanchiment d’argent.

Pour ceux qui disposent de l’ouvrage “Droit à l’image et droit de faire des images“, nous sommes donc bien dans la mise en balance des principes suivants :

      . droit au respect de la vie privée

      . liberté d’expression/droit à l’information

que j’expose en début d’ouvrage, au moment d’énumérer les règles qui autorisent ou, au contraire, peuvent s’opposer à la diffusion d’une image.

Bonne journée à tous, et à bientôt pour de nouveaux articles.

                          Joëlle Verbrugge

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