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Le sujet d’une photo n’en est pas l’auteur – Épisode 2

Sommaire

 

Bonjour à tous,

Rappelez-vous le premier article que j’avais publié sous ce titre, pour vous parler du conflit fréquent entre le sujet d’une photographie (notamment les artistes de scène) et l’auteur de cette photo.

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Une autre illustration d’un conflit de cette nature fut donnée dans un arrêt de 2007 dont il sera question aujourd’hui. Il ne s’agit plus cette fois d’un artiste de scène, mais d’un dessinateur de bande dessinée. Le conflit reste toutefois identique et se résume à une question : le sujet d’une photo est-il en droit de reproduire l’image sur laquelle il est représenté ?

Les faits

 

Un photographe avait photographié un auteur de bande-dessinée. La photo le représentait de dos, à côté d’une moto ancienne, devant le pignon recouvert de lierre et bordé d’arbustes d’un château du Périgord.

Un tirage de cette photo avait été offert au dessinateur.

Par la suite, la photo avait été reproduite (et modifiée) sur la 4ème de couverture de l’un des albums du dessinateur.

Le photographe assigna alors l’éditeur et le dessinateur en contrefaçon, au titre de ses droits d’auteur sur la photographie (droit moraux du fait de l’altération de la photo et du défaut de mention de son nom d’auteur, et droits patrimoniaux du fait de la reproduction non-autorisée).

En première instance, il obtint gain de cause au terme d’un jugement dont je n’ai pas eu copie.

Le dessinateur interjeta appel, ce qui valut ensuite à la Cour d’appel de Paris de se prononcer sur la question.

L’arrêt ( CA Paris, 9/5/2007, RG 05/16905)

 

Les arguments invoqués  sont classiques :

. le dessinateur et son éditeur invoquaient le défaut d’originalité de la photographie litigieuse,
. le dessinateur soulignait en outre qu’en modifiant la photo, il était lui-même devenu l’auteur d’une oeuvre originale.

La Cour relèvera toutefois :

. quant à l’originalité :

/…./ pour contester l’originalité de la photographie (le dessinateur) fait valoir que ce cliché, typique de la photo-souvenir, a été pris en vacances sans aucune mise en scène préalable et lui a été remis par (le photographe) qui n’a émis aucune restriction quant à son utilisation; qu’il ajoute qu’en modifiant le fond de cette photographie avec le maquettiste /…/ il a créé une oeuvre originale reflétant sa personnalité.

/…/

Considérant d’autre part que tant l’angle de prise de vue qui fait apparaître en premier plan la moto et son conducteur s’en éloignant, vu de dos, que le choix de l’instant, les rayons du soleil illuminant le pignon de l’imposante bâtisse servant de décor, traduisent un parti pris esthétique qui reflète la personnalité de l’auteur et confère à cette photographie son originalité, en la hissant hors du champ de la banale photo-souvenir;

Considérant qu’il convient de relever au surplus que (le dessinateur) ne saurait sans se contredire dénier toute originalité à ce cliché et se prévaloir de la qualité de coauteur avec le maquettiste d’une oeuvre originale alors que leur participation s’est limitée à modifier le décor de fond de cette photographie et la maque du vêtement du sujet; qu’en tout état de cause, cette transformation de la photographie originale nécessitait l’autorisation de son auteur”

 . quant à l’absence de cession de droits

La Cour relève à cet égard que  “qu’en offrant un tirage de cette photographie (au dessinateur), qui en était le sujet, (le photographe) n’a pas consenti à ce dernier le droit d’en faire usage à des fins commerciales pour illustrer la quatrième de couverture d’un album de bande dessinée et n’a donc pas renoncé à ses droits d’auteur;”

Au final, le jugement attaqué est confirmé dans toutes ses dispositions, en ce compris le montant des condamnations (3.000 € au titre des droits patrimoniaux, 4000 au titre des droits moraux, le tout pour une BD tirée à 4080 exemplaires).

Qu’en retenir ?

 

Qu’une cession de droits ne se présume pas…  et qu’il ne suffit pas, lorsque le sujet d’une photo en reçoit un tirage, qu’aucune restriction ne soit faite à ce moment, pour qu’il puisse se sentir investi du droit de reproduire et/ou de modifier la photographie reçue.

Dans le cas présent, la Cour ajoute en outre que le dessinateur, qui invoquait un droit d’auteur personnel sur la modification de l’image d’origine  contredisait sa propre argumentation quant à la prétendue absence d’originalité de la photo qui avait servi de base à la modification.

Un arrêt plein de bon sens, donc.

                                  A très bientôt.

                                               Joëlle Verbrugge

3 commentaires sur cet article

    1. Bonjour
      Merci au correcteur masqué… je viens donc d’apprendre quelque chose… et dans la foulée de corriger la faute.
      Puis-je savoir qui j’ai ainsi le plaisir de remercier ?

      Joëlle Verbrugge

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