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Quand un géant de l’informatique confond droit d’auteur et droit à l’image

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Bonjour à tous,

Je vous propose aujourd’hui un article sur un sujet qui avait fait pas mal de remous début mars.

De quoi s’agit-il ?

On annonçait en effet sur différents sites, notamment le très sérieux Datanews (voir ICI pour l’article) qu’un géant de l’informatique, IBM, travaillant à développer ses systèmes d’intelligence artificielle et de reconnaissance faciale, aurait (je laisse au conditionnel, n’ayant pas le moyen de vérifier la source) rapatrié une base de données contenant des photographies, publiées à l’origine sur Flick’r.

Rappelons que la particularité de Flick’r (aujourd’hui rachetée par Smugmug, mais toujours en ligne sous le nom d’origine) est de proposer des contenus sous licence Creative Commons.

Estimant apparemment que cela lui donnait l’autorisation d’utiliser les photographies, sans bien sûr en avertir les auteurs et, surtout, les personnes représentées, IBM fit l’objet d’une volée de critiques d’autant que l’on parle de centaines de milliers de photos, à croire d’autres sources (voir ICI).

Si les informations diffusées semblent sérieuses et appuyées sur des éléments tangibles, je voulais quant à moi revenir sur cette question pour une autre raison. Je souhaite en effet vous expliquer en quoi, sur  son fondement, une telle démarche était déjà incompréhensible.

Si IBM entendait invoquer, pour justifier cette utilisation non prévue des photographies, le fait qu’elles avaient été diffusées sous licence Creative Commons, cette argumentation ne tenait pas la route dès le départ…

Qu’est-ce que les licences “Creative Commons” ?

Les licences “Creative Commons” sont des licences libres, ce qui signifie qu’elles permettent aux auteurs d’oeuvres de l’esprit, toutes disciplines confondues, de gérer eux-mêmes les autorisations qu’ils entendent donner, de façon globale, à tous les utilisateurs potentiels des oeuvres diffusées sur Internet. Le but est le plus souvent de se faire connaître, et de susciter ensuite du trafic sur son site, dans l’espoir – ou parfois avec la conséquence – de générer d’autres cessions, cette fois rémunératrices.

Il s’agit donc d’un système très différent de celui qui existe en France et qui découle du Code de la propriété intellectuelle.

Comment ça marche ?

L’auteur qui souhaite diffuser une oeuvre (photographique, vidéo, mais aussi musicale, graphique, littéraire, etc.) sous licence Creative Commons doit choisir l’une des 6 licences proposées, en fonction des autorisations qu’il entend donner aux utilisateurs.

Cette licence sera matérialisée notamment par des pictogrammes informant les utilisateurs de ce qu’ils sont en droit de faire avec l’oeuvre concernée.

(Source : www.creativecommons.org)

De son côté, l’utilisateur devra donc respecter les limites qui lui sont ainsi posées ou, s’il souhaite utiliser l’oeuvre à d’autres fins, contacter l’auteur et négocier avec lui les conditions d’utilisation, comme le ferait alors pour n’importe quelle cession de droits dans le système du droit d’auteur “classique”.

Vous souhaitez en savoir plus ?

Comme il n’existait pas, en français, de livre entièrement dédié à ce système juridique de licences libres, expliquant aux artistes (toutes disciplines confondues, donc également les musiciens, romanciers, poètes, illustrateurs, etc.) le fonctionnement, les bénéfices et risques éventuels, et aidant les utilisateurs d’oeuvres à faire le choix entre les différentes licences proposées sans s’exposer à des actions en contrefaçon, j’ai décidé de l’écrire…

Et cet ouvrage est désormais disponible (en eBook et papier), j’en parlais dans cet article de mon blog. Vous me connaissez à présent : j’y ai rajouté des schémas de mon cru, des explications, des exemples pratiques, etc. Le tout arrosé de quelques analyses jurisprudentielles glanées dans le monde entier (car curieusement, bien que le système soit potentiellement “universel”, il ne suscite que très peu de décisions de justice et j’ai donc dû ratisser large).

Que retenir de ce qui précède ?

Pour ma part, revenant au sujet qui avait fait réagir courant mars, j’ai du mal à comprendre que des sociétés de cette importance ne prennent pas quelques précautions pour se faire valider la faisabilité juridique d’une telle opération.

S’il s’avère que cette utilisation ait été réelle et de l’importance annoncée, personne, au sein du service juridique d’IBM n’a eu l’attention attirée par le fait que les Creative Commons ne réglaient en aucune manière les questions de droit à l’image ?

C’est pourtant écrit en toutes lettres dans les termes des licences :

 

 

 

(Extrait du texte complet de la licence CC-BY, pourtant la plus permissive des 6 déclinaisons de licences Creative commons)

La raison en est simple : l’auteur d’une oeuvre n’a de droit que sur son oeuvre, et ne peut engager un tiers sur des questions liées au droit à l’image, celui-ci étant un droit strictement personnel.

Certains comportements resteront pour moi un mystère… sans doute suis-je trop idéaliste. En attendant, je vous ai donc préparé de quoi tout savoir sur ce système juridique et prendre, éventuellement, la décision de tenter l’aventure en connaissance de cause.

À très bientôt,

Joëlle Verbrugge

Vignette en tête d’article : Photo by Drew Graham/Licence Unsplash

 

 

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